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Vivre avec la dépression – Chapitre 10 – Au boulot Sisyphe!

Je suis lourde pour le monde autour de moi. Je ne parle pas de mes amis ou de ma famille, dont c’est un peu le rôle d’être compréhensif. Je parle de ceux que je côtoie et qui ne me doivent rien. Ceux qui me subissent, moi et mes émotions toutes croches. Je suis égoïste et je le sais, et cette culpabilité me ronge. Je ne sais pas que je ne me sens pas bien jusqu’à ce qu’il soit trop tard, jusqu’à ce que le mal soit fait. Et je reste là, un peu hébétée, je me confonds en excuses et mes excuses se confondent en un besoin maladif de validation. «Je m’excuse, je veux que tu saches que je m’excuse, c’est correct? Dis-moi que c’est correct. S’il te plaît, s’il te plaît.» J’en deviens d’autant plus lourde.

J’ai recommencé à avoir des crises de panique, comme lorsque j’étais gamine, ado, jeune adulte. Enfin, comme y’a longtemps. Je ne sais pas d’où elles sortent, si elles apparaissent ou si elles n’étaient qu’endormies. Elles surgissent, comme ça, puissantes et vindicatives, l’air de rire de moi, juges fantasques martelant des jugements tordus, capricieux. J’en suis une victime et j’en rends les autres victimes, me transformant en bourreau torpide. Je ne décide de rien, je subis, je fais subir. J’exécute le jugement divin de mes émotions mal vécues.

Certaines personnes sont fantastiques, passent leur temps à me remonter, me dire que tout est correct, inlassablement, perpétuellement. Tout le monde est bien poli. Moi, je suis une boule d’émotions. Un rocher, une grosse pierre lourde qui retombe sans cesse. Je suis un châtiment divin. Qu’est-ce que vous avez bien fait, mortels, pour me mériter?

Je ne travaille pas, pas vraiment, par chance. «Par chance», peut-être pas, mais si j’avais une vraie job, je l’aurais perdue y’a belle lurette. Je ne vais pas au bureau, comme tout le monde. Je ne fais pas du 9 à 5, j’ai pas un boss, des collègues, une heure de lunch. Tout ça, tout ce que je vous dis depuis le début, c’est du pipeau. Oui, je me lève, je pose un pied à terre, je prends mon café, ma douche, je déjeune, je mets mon manteau, je sors, je marche, je prends le métro, mais je ne me rends jamais au boulot. J’ai pas la force. Je suis une loque, un déchet pas vraiment humain. Et malgré tout, malgré tout, ceux qui travaillent 40h par semaine trouvent le moyen d’avoir un peu de compassion, trouvent le moyen de me remonter encore, toujours, de me porter sur leurs épaules quand ils sont au travail, quand ils sont en congé, trouvent le moyen de me remonter quand moi je me laisserais à terre.

On ne lui a jamais demandé, à la roche, comment elle se sentait de se faire porter ainsi. Elle devait se sentir bien lourde et inutile, honteuse et coupable. Elle se serait confondue en excuses, mais serait néanmoins restée là, à attendre de se faire remonter à nouveau. C’est juste une roche, pas vraiment humaine, un gros tas de sédiments d’émotions mal vécues, mal placées. Elle ne se relèvera jamais d’elle-même et c’est à ce moment-là que je perds espoir.

Alors à tous: je m’excuse. C’est correct? C’est correct? Dites-moi que c’est correct. S’il vous plaît. S’il vous plaît. Dites-moi que c’est correct. Je ne suis pas capable de me relever. Je ne suis pas capable de me relever. Et demain, ce soir, plus tard dans la journée, tout sera à recommencer.

 

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Vivre avec la… maladie de Crohn – Chapitre 9 – Céder son siège

 

 

 

 

LdT.

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Source photo: Unsplash

Champagne & Confetti

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