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Vivre avec la dépression – Chapitre 11 – La pause-café

L’automne, c’est le moment de la renaissance. Ça sent le café, la cigarette, les soirées qui finissent tard, le vin et la fatigue. Ça sent la connaissance, la découverte, les aspirations et les opportunités. Les yeux gonflés d’allergies, les chandails de laine, les gâteaux. J’entreprends des projets, j’ai des idées, je fais des démarches. Je passe des entrevues d’emploi, je m’inscris dans X et Y. Oui oui, je prends des engagements. Je ferai ceci, cela. Je deviens active – juste un peu, un peu plus, juste un peu plus fonctionnelle. J’écris à un ami pour le voir, je prends rendez-vous chez le dentiste, je règle un problème administratif.

Trois semaines plus tard, une fois que mon high est passé, je me réveille un beau matin et je ne peux plus ouvrir les yeux. Je veux plus ouvrir les yeux. Je me retrouve paralysée, tétanisée devant tous ces projets me surplombant comme d’immenses pierres tombales, lourdes et imposantes.

Ça, ça c’est d’habitude. Ça, c’est comme ça d’habitude.

Cette année, je pense qu’il n’y a rien à faire. J’ai la face écrasée contre un mur. Toujours le problème de savoir ce que je veux ou peux faire, et de me rendre compte que je ne veux rien, et que même si je voulais, je ne pourrais pas. J’ai le corps dans un cercueil, la tête dans la guimauve, crasse et collante, et les quelques heures par jour ou par semaine où je trouve l’énergie à sortir de mon caveau, j’ai pas envie d’aller travailler. Je ne peux pas me demander de travailler pendant mes seules heures de congé. Enfin, je pourrais, mais faut croire que je suis une wuss.

Cette année, je regarde les autres vivre leur automne, se plaindre du froid qui s’installe de la même manière qu’ils se plaignaient de la canicule. Se plaindre de l’école qui recommence, des allergies, des saisons qui se succèdent trop rapidement. Cette année, moi, j’en suis à compter mes pilules, à contempler les poignées de cheveux qui me restent dans les mains avec regret et fascination. À observer mon compte en banque se réduire à néant – pas qu’il était jusque-là particulièrement garni. À écouter Youtube et à être vraiment curieuse du documentaire en huit parties que prépare Shane Dawson sur Jake Paul (lien ici). Ça va être malade. Ça va faire mon mois d’octobre.

Je trouve des petites jobs çà et là, et encore, quand on m’appelle finalement, j’avoue ne pas trop avoir envie de travailler. Pas que je n’aie pas envie, en fait, plutôt que j’en sois terrifiée. Parce qu’une journée de huit heures dans un nouvel environnement, avec mes nausées, mes crampes et ma fatigue assommante, c’est long. C’est long, longtemps. Les pauses-café ne sont pas suffisantes pour alléger la lourdeur de l’éveil. Et surtout, ça recommence le lendemain, ça ne me laisse pas le temps de récupérer, quelques jours à dormir, à reposer mon corps, mes organes, ma cervelle.

Quand j’avais 20 ans, l’automne, avec mes cigarettes, mes soirées qui finissaient tard, le vin, les découvertes, j’étais convaincue, mon café en main, que dix ans plus tard, je les aurais mes pauses-café. Avec toutes mes aspirations qui oubliaient comment la vie est douée pour nous foutre un coup de batte de baseball en pleine face. Je n’ai rien de plus à dire. Je suis fatiguée maintenant.

 

Lire aussi :

VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 1 – METTRE LE PIED À TERRE
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 2 – FAIRE LE CAFÉ
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 3 – LIRE LE JOURNAL
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 4 – PRENDRE SA DOUCHE
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 5 – À SON GRILLE-PAIN!
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION -CHAPITRE 6 – METTRE SON MANTEAU
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 7 – FRANCHIR LE CADRE DE PORTE
Vivre avec la dépression – Chapitre 8 – Un pied devant l’autre
Vivre avec la… maladie de Crohn – Chapitre 9 – Céder son siège
Vivre avec la dépression – Chapitre 10 – Au boulot Sisyphe!

 

 

 

LdT.

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Source photo: Unsplash

Champagne & Confetti

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