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Vivre avec la dépression – Chapitre 13 – Le travail

Je viens de passer une heure à regarder le mur. Vraiment. Mon ordinateur n’était même pas allumé. Sur ma chaise, là, dans mon bureau, j’ai regardé le mur. De l’extérieur, on aurait pu dire que je ne faisais rien. Mon corps ne bougeait pas, mes pupilles étaient presque fixes. Ma tête n’était même pas lourde dans mes mains; je ne sentais rien. Je regardais le mur.

Mais à l’intérieur, dans cette même tête qui ne pesait rien, c’était une attaque nucléaire. Depuis quelques jours, mon anxiété a pris le dessus. Y’a rien à faire, vraiment, alors je ne fais rien. Je reste au lit, je pleure, je dors pour passer le temps, j’attends que ça passe. Ça ne me prend rien, le stimulus le plus faible, et soudainement mon cœur me défonce le thorax et ma face devient chaude, submergée par un bain bouillant, mais juste dans ma face. Un coup de téléphone, un courriel, un message sur Facebook, une notification. Un rien.

Si vous n’avez jamais fait d’anxiété, vous avez peut-être déjà ressenti une joie débordante, excessive, après une immense surprise ou une excellente nouvelle, le genre de celles qui changent une vie. Vous savez, cette chaleur qu’on ressent, qu’on ne peut contenir, qui fait rire et pleurer et qu’on veut partager, qu’on ne sait pas tout à fait comment traiter, une chaleur, une joie qui inonde, englobe tout? Peut-être à l’annonce d’une grossesse, à la naissance d’un enfant ou lors d’une demande en mariage. Peut-être. Eh bien, l’anxiété, c’est la même chose, à la nuance près que ça fait mal. Que ce n’est pas une bonne nouvelle. Que c’est terrible. Une marée noire, visqueuse, qui s’accroche et vous frappe à la poitrine. Qu’on aimerait vraiment pouvoir partager comme on partage la naissance de son premier né sur Facebook, mais qu’on peut pas, et ça ne s’en va pas. Ça englue. Ça nous rit au nez pendant que ça nous frappe la trachée.

Et l’anxiété, ce n’est pas que les crises de panique. Elles sont faciles à voir, elles. Elles sont sonores, visibles, l’entourage est capable d’agir et de se sentir utile. L’anxiété, quand elle n’est pas en crise, c’est un démon invisible et personnel. On est semi-fonctionnels, on est là, on peut répondre, on se bat, on se bat et ça ne paraît pas. Alors le monde me trouve bête. Alors des fois, j’ai des tics, je fais des mouvements brusques, je crie après quelqu’un. Et le plus souvent, je reste chez moi.

Ce qui est un peu con vous me direz, parce que la meilleure chose à faire est de sortir. Voir du monde. Respirer de l’air frais. Et c’est exactement ce que l’anxiété m’empêche de faire. Elle est pas conne la vieille sorcière, elle connaît son métier. Alors je reste chez moi, assise à mon bureau, la tête dans les mains, et je regarde le mur, mon ordinateur fermé devant moi. C’est ça, le travail? Parce que je ne peux pas dire que je chôme.

 

 

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LdT.

Source photo: Unsplash

 

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