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Bitch! Une incursion dans la manosphère

«Bitch», c’est le titre d’un documentaire présenté il y a quelques semaines sur la chaîne de Télé-Québec. Documentaire traitant du monde méconnu des «Incels». Innnnn quoi, vous me direz? Est-ce un spécimen d’insecte découvert en Amazonie?! Eh bien, non. Et probablement comme vous, c’était la première fois que j’entendais parler du terme «manosphère».

La manosphère

La manosphère, c’est une communauté en ligne, formée exclusivement d’hommes, qui échangent via des forums et des groupes sur les difficultés qu’ils rencontrent avec le sexe opposé. Et bien que l’idée puisse paraître assez «saine» au départ – on se dit: après tout, les femmes ont leurs soupers de filles pour vider leurs sacs et leurs sacoches – dès les premiers minutes de visionnement, on comprend que le ton est loin d’être à la rigolade et que les propos sont lourds, misogynes, voire inquiétants.

Le documentaire nous présente différents sous-groupes, tous membres de la manosphère et 3 ont particulièrement retenu mon attention. Je vous propose un petit topo de ce que je crois avoir compris de leurs réalités.

Avant tout, je veux rappeler que je suis féministe sans être extrémiste, que je suis soucieuse de la condition féminine… au même titre que de celles des hommes. Cependant, certains propos m’ont profondément choquée, donc il m’est difficile de rester neutre sur le sujet.

Je tiens aussi à souligner que c’est l’attaque au camion-bélier en 2018 dans une rue très achalandée de Toronto, causant la mort de 10 personnes (8 étaient des femmes) qui a inspiré le réalisateur de Bitch L’auteur du crime était très actif sur des groupes en ligne et s’identifiait lui-même comme «hétérosexuel frustré». Son geste, soigneusement planifié, était un «acte de rébellion» suite à plusieurs humiliations subies depuis des années de la part de femmes.

Oui, je sais… ça donne froid dans le dos.

Si j’ai bien compris, la manospère fonctionne un peu comme le règne animal. Il y a en haut de la chaîne les plus forts et ceux qui «l’ont» et puis plus bas, tous les autres. En haut de cette chaîne se trouve les Pick up artists.

Les Pick up artists

Comme leur nom le résume bien, ce sont des «artistes», spécialistes de la drague. De «bons vendeurs», comme ils le défendent et qui mettent à profit leurs compétences pour séduire les femmes. Ils ont du bagou, de la répartie, de la confiance à revendre et moyennant des formations et du coaching en ligne, promettent de partager tous leurs trucs de séducteurs pour ramasser le plus de g-strings possible. Et on s’entend que le but final n’est pas simplement de collectionner des numéros de téléphone, d’aller sur des dates et se promener au clair de lune main dans la main… Il est ici question de se monter un tableau de chasse.

Contrairement aux autres sous-groupes, les Pick up artist ont toutes les ressources pour scorer. Ce sont des «mentors» pour des hommes en manque de confiance, qui ne savent pas s’y prendre et qui vivent des frustrations quand il est question d’approcher le sexe opposé, séduire et bien forcément… conclure. Ils se présentent comme étant là pour aider des hommes qui n’ont pas nécessairement leur aisance, mais j’y vois plutôt des opportunistes qui ont flairé un marché lucratif susceptible de générer des milliers de dollars en profitant de la naïveté de certains. Car bien évidemment, les programmes proposés pour se transformer en Don Juan sont payants.

MGTOW: Men going their own way

Donc en traduction libre: des hommes qui revendiquent leur indépendance en décidant délibérément de ne pas inclure les femmes dans leur vie. Elles deviennent accessoires et dispensables. Ils interagissent avec elles par nécessité, mais ne leur demandez pas d’envisager s’investir dans une relation émotionnelle. Le MGTOW interviewé dans le reportage a un discours très lucide, mais on peut clairement sentir à travers ses propos à peine dissimulés que cette «réappropriation» de sa masculinité est en réaction à des souffrances, des abus et des déceptions.

En faisant quelques recherches sur la toile, j’ai découvert que les MGTOW se décrivent comme méprisant les femmes et ils ne s’en cachent pas. Les termes «bitch», «gold digger», «poufiasse» et j’en passe sont plus que fréquents dans leurs posts et vidéos YouTube. Les femmes sont perçues comme des profiteuses, des manipulatrices utilisant leurs charmes pour abuser de la naïveté des hommes et ensuite s’en débarrasser une fois qu’elles ont obtenu ce qu’elles voulaient (sécurité financière, biens matériels, relations sexuelles ou amoureuses). Telle la mante religieuse femelle qui tue le mâle après l’accouplement (ou dans le contexte, l’avoir bien lavé financièrement), la femme est une créature dangereuse et les MGTOW, hommes «réveillés», sont capables de voir leurs subterfuges et ne pas tomber dans le panneau.

Au-delà de ça, les MGTOW reprochent également à la femme d’être favorisée au profit des hommes dans notre société, que ce soit au niveau légal, par exemple, quand il est question de garde parentale, la mère est souvent avantagée, ou pour l’obtention d’un emploi. Une candidate féminine sera préférée à un homme à compétences égales.

Incels

Le dernier sous-groupe présenté dans Bitch est celui des Incels. Incel est un acronyme pour «involuntary celibate» ou «célibataire involontaire» en français. Il est question d’hommes célibataires obligés, contrairement aux MGTOW, qui le font par choix. Incapables de trouver des femmes avec qui avoir des relations, ils leur reprochent de ne pas vouloir coucher avec eux. On peut vite deviner que cette frustration émotive et surtout physique amène à des défoulements extrêmes sur les réseaux sociaux. Les suggestions de violence, viols à l’endroit des femmes sont courantes. Oui, je vous avais dit que ça donnait froid dans le dos…

Les Incels en veulent aux «Stacy», comme certains les appellent, car elles se refusent à eux, préférant des hommes plus beaux, plus riches, plus musclés, plus drôles et j’en passe. Est-ce qu’une femme a bien le droit de choisir son partenaire?!

On sent une grande frustration, particulièrement sexuelle, en écoutant le dernier témoignage du reportage et en lisant des commentaires sur le web. Les pages dédiées aux Incels, pour les Incels, par les Incels pullulent. Se cachent derrière des milliers d’écrans des hommes prêts à aimer, à baiser et qui se font ignorer par les femmes, parce qu’ils ne sont pas assez (ou simplement qu’ils ont des attentes complètement irréelles quant au genre de femmes qu’ils pourraient fréquenter). Et ces rejets répétés finissent par générer beaucoup de haine. Haine qui grandit en eux, qui est partagée, reprise et entretenue sur la manospère. Misogynie poussée à l’extrême qui peut finir par engendrer des actes comme à Toronto l’an passé.

Conclusion…

De nombreuses questions demeurent à la fin du visionnement et ce qui est présenté dans le documentaire n’est que la pointe de l’iceberg. Pointe d’une réalité qui est encore trop méconnue et qui semble être un problème de société répandu. Ce que je retiens, c’est avant tout une profonde détresse, un mal-être face aux femmes, mais aussi la vie en général. Ce qui m’inquiète également c’est de savoir qui sont ses hommes. Des collègues que nous côtoyons tous les jours, le barista du café du coin, un frère, un cousin? Je comprends que le rejet blesse et fasse mal, mais comment peut-on en arriver à développer tant de haine, envers les femmes ou tout autre groupe, que ça se termine en bain de sang comme à la Polytechnique il y aura bientôt 30 ans en décembre?

Mention spéciale à tous ces hommes qui ont accepté de se montrer à visage découvert devant la caméra. Même si je ne partage pas vos opinions, vous avez mon respect pour avoir assumé vos propos sans vous dissimuler. À l’inverse, je trouve bien lâche ceux qui ont préféré se cacher derrière des masques pour préserver leur identité. Vraiment?! Pour des hommes qui clament que les femmes sont de la pire espèce, vous qui revendiquez votre masculinité haut et fort… ça me semble un peu facile de le faire bien à l’abri des regards, non?!

Pour ceux et celles qui seraient curieux, voilà le lien du documentaire en question qui mérite d’être vu: https://www.telequebec.tv/documentaire/bitch-une-incursion-dans-la-manosphere.

 

 

 

E.

Source photo: Unsplash

Champagne & Confetti

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