ÉTATS D'ÂME STYLE DE VIE TEXTES DE M.-C.

Je suis morte le 4 mars 2011

Premier constat: Le titre fesse! Deuxième, puisque je vous écris là… c’est encore plus bizarre. Bon, si quelqu’un n’a pas compris, je ne reviens pas d’outres tombes, quoi que des fois… je me le demande. Mais, bref, une fois le titre digéré, laissez-moi vous expliquer.

J’ai envie de vous parler de moi. Je ne suis pas une personnalité du showbiz. J’ai pas une vie qui fait les front pages. Je suis une fille tout ce qu’il y a de plus ordinaire, comme la majorité d’entre nous. Pourtant, je suis bien morte ce matin-là à 11h34.

C’est mon histoire, mais elle est aussi celle de mon père, de Luc, Mélanie, Chantale, Steve, Diane, Brigitte, André, Martin, pour ne nommer que ceux-ci, parce que croyez-moi, la liste est longue. On est tous morts. Pas en même temps, mais de la même chose. On a la sclérose en plaques.

La mort a plusieurs synonymes: décéder, s’éteindre, trépasser, agoniser, crever, disparaître, mais un seul sens, celui de la fin.

J’étais la première à crier que même si ça changeait tout pour moi, j’allais rester la même. J’avais tellement, mais tellement rien compris! Parce que vouloir, c’est pas nécessairement pouvoir. Parce que même avec le plus grand des plus grands vouloir, je n’ai que très peu de contrôle sur le pouvoir.

Quand à 37 ans, le téléphone sonne pour t’annoncer cette fin, ça tue. Au début, tu saisis pas l’ampleur d’une telle phrase: maladie neurologique dégénérative incurable. 40 lettres qui, mises bout à bout, te «scrappent» l’espoir, l’avenir, la raison, la vie. T’essaies de décanter, de pas te vomir les tripes. On dirait le pire lendemain de veille de ta vie… à jeun. T’as beau essayer de relever la tête, tout tourne pis tu perds l’équilibre.

Toi, la maman monoparentale de deux ados de 12 et 15 ans. Toi, qui as la job de rêve, toi, qui aimes la vie, ta vie. Oui, celle qui profite de tout, comme si la vie était un buffet à volonté… Ça, c’était moi… moi, avant ce foutu 4 mars. Parce qu’après, cette fille-là, elle existait plus. Qu’est-ce qui avait changé? Sérieux? TOUTE! TOUTE!

Bien sûr, il y a tout ce qui saute aux yeux. Tremblement des mains, ça shake, c’est sûr. J’ai marché avec une canne, voilà le canard boiteux. Une marchette, on fait la course? J’ai roulé aussi! La chaise roulante, c’est loin du La-Z-boy. Mais faut c’qui faut. Pis parlez-moi pas du transport adapté, mon enfer sur la terre. Ah! Oui, ça déplace des affaires dans ta vie, même si toi, tu bouges pus ben ben.

Qui dit maladie, dit congé de maladie et le dédale de tout ce qui touche cette sphère. Aucune des instances concernées travaillent en symbiose. Non, tout est en vase clos. Des heures et des heures de plaisir au téléphone, à remplir des formulaires, à courir (même si tu marches pus) pour les faire signer. Une roue sans fin. Je vous l’dis, elle roule carré. Tourne, vire, dévire pis retourne.

Un an plus tard, j’arrêtais de travailler. J’étais maintenant une «invalide permanente». Bienvenue «sur» la Régie des rentes. À 38 ans, c’est pas le pactole. Surtout si t’as pas eu l’idée de génie de te prendre une assurance invalidité. T’sais, on pense tu à ça? On pense même pas à se prendre des REER. On vit. Point final.

Adieu le bon salaire! Vive la simplicité obligée. Ciao les voyages organisés, parce que juste m’organiser, c’est dépaysant. Bye la garde-robe de l’année, qui a besoin de beau linge quand on passe nos journées à dormir? Adios les sorties entre amis, sincèrement, tu leur parles de quoi quand ton exploit du jour a été de prendre ta douche toute seule, sans aide?! Au revoir le char de l’année… anyway, tu peux plus conduire…

Goodbye heures, jours, semaines, mois… Chaque instant refuse maintenant de s’inscrire dans une routine ou un agenda. Toi qui carburais à la productivité. Toi pour qui l’essence même était de bouger, tu te retrouves à produire des tonnes de café pour essayer de te donner un peu de gaz pour avancer.

Je vais vous faire grâce des aspects psychiques, psychologiques, physiques et tout autre truc en «iques». Vous comprenez maintenant que tout ce que j’étais, croyais être ou devenir est mort cette journée-là. Ce mois-là. Cette année-là, ces 9 dernières années-là.

Bien caché en moi, il y a d’autres choses qui sont nées. Probablement qu’elles étaient déjà là, stagnantes, attendant le bon moment pour se pointer. Jusque là, j’avais rêvé ma vie, là je vis mes rêves. Oh! Certes, ce sont de petits rêves, mais ils sont vrais, bons et à la hauteur de mes capacités parfois restreintes. Je me suis appliquée à choisir en fonction de moi, du moment, de l’important.

J’ai appris aussi. Appris à apprendre autrement, à vivre d’une autre façon. À élever mes enfants en considérant que bien souvent, c’était eux le parent qui veillait au grain. J’ai compris le sens du mot humilité et de l’expression piler sur son orgueil. Parce que je suis passé de la fille méga-organisée à la fille qu’on doit organiser. Ma famille, mes amis ont pris le relais tant de fois, pour des petits riens ou pour tout ce qui fait la différence… la vraie.

Marie est morte! Vive Marie! J’avais un plan A, la vie s’est chargée de me rappeler qu’il y avait 25 autres lettres dans l’alphabet. Avec le recul, je ne suis plus celle que j’étais, je suis une autre. Puis je me dis que c’est aussi ça la vie. Tout le monde change. Ne me parlez pas de résilience. Je déteste ce mot. Il sonne vide. Un immense fourre-tout. Ce n’est pas de la résilience, c’est simplement relever ses manches, se frotter les mains et continuer d’avancer. Quoiqu’il arrive, quelque soit le plan de la vie. La journée où je vais vraiment mourir, j’aurai vécu du mieux que j’aurai pu… certainement pas comme je l’aurais voulu, mais heureuse d’avoir fait de cette «condamnation» un levier vers le sincère, le vrai et l’important.

M.-C.

Source photo: Pexels

Champagne & Confetti

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