ÉTATS D'ÂME TEXTES DE M.-C. x

Couple ou secte?

Il est entré dans sa vie probablement au moment où elle se sentait au plus mal. Elle était désabusée et persuadée que dorénavant elle ne serait plus «aimable». Quelques mois auparavant, elle avait appris qu’elle était malade et le pronostic n’était pas des plus reluisants. Plus ou moins 10 ans avant la perte de mobilité. C’était ça la norme, dans le temps.

Ils se connaissaient, ils s’étaient côtoyés pendant des années. Il était drôle, sensible, attentif, communicatif. C’était le genre de gars que tout le monde aime avoir dans sa vie. Toujours disponible pour donner un coup de main dans toutes les situations. Le bon vivant qu’il est plaisant d’avoir dans tous les partys. Clown à ses heures, n’ayant pas peur de friser le ridicule pour faire rire. Un bon travailleur, toujours prêt à travailler plus fort si le besoin y était.

Il s’est présenté chez elle, un soir pour lui dire qu’il était amoureux d’elle depuis toujours et qu’elle était la femme de sa vie. Elle l’a vu comme sa chance, son dernier espoir d’avoir quelqu’un qui l’aime vraiment. Quelqu’un qui connaissait ce qui risquait de lui arriver, mais qui était vraiment amoureux pour l’accompagner dans ce voyage. Quoi qu’il arrive, avait-il dit: «je te porterai jusqu’à ton lit, si tu ne peux plus marcher». Une bénédiction, un baume pour elle. Elle l’aimait sincèrement, c’était un plus dans sa vie.

Rapidement, la folie du couple la gagnait. Les papillons s’envolaient. Il était gentil, doux, compréhensif. Il faisait des efforts pour s’adapter à sa réalité. Il l’aimait. Bon, pas toujours évident de naviguer à deux, puis à six quand tous leurs enfants y sont. Mais tout le monde y met du sien. On peut quand on veut, c’est sa devise et elle l’applique à la lettre.

Elle le suivrait les deux yeux fermés. Il était là, il l’aidait, il l’aimait. Elle était là, elle l’aidait, elle l’aimait. C’est la vie.

Elle n’a pas vu qu’au fil des jours, il tissait sa toile, comme un prédateur qui vise sa proie. Il était d’une habilité redoutable. Il avait la meilleure des armes, celle qu’elle lui avait fournie. Son envie d’être aimée.

Et si elle vendait sa maison, ils pourraient ensemble choisir où bâtir leur nid. Déraciner sa victime pour ne plus qu’elle puisse déployer ses branches. Sa vie était basée sur la ramification de ses branches, c’était ses projets, ses amis, sa famille, sa vie, quoi. En peu de temps, il est parvenu à tellement élaguer ses branches, qu’elle a perdu ses ancrages. Ça ne sautait pas aux yeux, c’était discret, presqu’invisible, de la poudre aux yeux, pour sûr. Pourtant, elle était intelligente, brillante. Pourtant, elle aurait dû voir, sentir, comprendre.

Il était persuadé que ses opinions, ses observations étaient bonnes. À force de les répéter, elle les a intégrées. Elle l’a cru. Peu à peu, son monde à lui s’élevait tandis que le sien, à elle, s’enfonçait. Il touchait son but, il allait y arriver.

Entre le conditionnement qu’il manipulait facilement, les périodes où il était tellement fragile ou encore, ceux où il lui manifestait une telle dose d’amour, elle n’arrivait plus à reprendre l’équilibre. Il gérait tout: amour, sexe, temps, réalité, tout. Habilement, sans le laisser voir.

Quand il a atteint son objectif de la dépersonnaliser, de la déposséder de sa vie et de tout, il a pris son bagage et il est parti. Persuadé qu’elle ne pouvait plus rien lui apporter, lui offrir.

Longtemps après son naufrage, son cerveau a recommencé à fonctionner à sa façon à elle. C’est là qu’elle a vu les dommages qu’il avait engendré dans sa vie. Pourtant, jusqu’à la dernière seconde, elle l’avait aimé. Elle avait même tenté de le retenir.

Quand ils se sont connus, il était drôle, il semblait épanoui, il était chaleureux. Il vantait la famille, la nature, il était charismatique… En regardant bien, tout ce qu’il était, un seul mot pouvait le qualifier… GOUROU.

Un gourou! Il avait fait de leur vie une secte à effectif réduit. Une seule disciple à la fois. Ça, elle ne l’a pas vu sur le coup, trop endoctrinée, sûrement. La vie lui a rappelé que c’était sa façon à lui de fonctionner. Toutes celles avant elle et les prochaines y ont, ou vont y passer.

C’est fou! Dans le fond d’elle, elle a souvent jugé les gens qui se retrouvaient dans une secte. Oh! Certes, son expérience avait quelques différences avec les sectes traditionnelles. Mais son fonctionnement était semblable.

Mais des gourous comme lui, des gourous du cœur, de l’amour, y en a des tonnes! Pis ils ne s’affichent pas comme tels. Non, ils passent pour le bon gars, un peu bad boy, un clown, un charmeur, un beau cœur, une personne présente pour tous.

Mais lorsqu’il entre dans votre monde, une fois qu’il a bien assis ses règles, le bon gars, il n’existe plus. Ça a l’air fou comme ça! Mais prenez le temps d’aller voir les traits des gourous sur les Internets, tout ce qu’ils mettent en place, toutes leurs tactiques. Pourtant, elle était sûre de ne jamais accepter les sollicitations que font les différentes sectes. Mais elle, n’avait pas prévu, se présenterait sous ces traits, ses traits.

Se rebâtir après un tel parcours, c’est difficile. Heureusement, ses bonnes vieilles branches ont de nouvelles pousses. Les plus solides, ses amis, sa famille, ses enfants, tous se sont déployés pour la prendre et la serrer fort. L’endoctrinement s’évapore en même temps que se cristallisent ses morceaux.

Oui, jamais elle n’aurait cru être assez bête ou démunie pour se faire recruter comme disciple. Pour elle, c’était de l’amour, du bon sens, de la protection. Pour lui, c’était de la manipulation pour répondre à ses besoins, à ses envies. Ce n’est pourtant pas la seule à s’être fait prendre dans ce genre de secte qui souvent déguise son nom et se fait appeler COUPLE.

 

 

M.-C.

Source photo: Unsplash

Champagne & Confetti

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