ÉTATS D'ÂME TEXTES DE J.D. x

Infirmier de coeur

J’ai 17 ans, je commence mon baccalauréat dans un domaine qui est mon plan A, B, C, D. Avant d’entrer dans ce domaine, j’avais déjà mis les pieds dans les hôpitaux en tant que stagiaire au secondaire. On m’avait préparé à être fort pour les patients, à être un support, à être performant, mais jamais à ce que j’allais faire face après mes 4 ans d’université.

Déjà en première année, on teste nos capacités. Un stress constant. C’est une peur constante de l’échec qui t’habite même après avoir passé une nuit blanche à te préparer pour expliquer une pathologie à ton enseignante clinique et lui prouver que tu connais tes choses. On t’évalue sur la capacité de faire une table des matières au centimètre près, mais on te pénalise de prendre trop de temps car tu as demandé à ton patient attitré comment sa journée était et tu es maintenant en retard de 15 minutes dans l’administration d’un de tes médicaments. Un Tylenol.

4 années qui n’ont pas été faciles, mais qui étaient toutefois nécessaires pour pouvoir être un infirmier avec un minimum de jugement qui est capable de gérer des situations imprévisibles, mais surtout, capable d’exécuter la base, soigner des gens.

À ma 4e année, à ma dernière session, j’ai flanché. Je n’en pouvais plus. Mon corps non plus d’ailleurs. Mes pensées étaient à 20 km de mes neurones. J’avais un mal de vivre. Me lever le matin et me brosser les dents était pour moi insurmontable. C’était comme si on me demandait de déplacer une montagne de terre avec seulement une cuillère en plastique. Impossible. Infaisable, mais surtout, trop pour moi. Alors j’ai succombé.

C’est à ce moment que je suis retombé dans une période que je croyais qui était derrière moi. La dépression. J’ai donc volontairement, à la deuxième session de ma dernière année de baccalauréat, été hospitalisé, car je n’étais plus moi-même. Pensées noires, désorganisation, difficulté à me concentrer, insomnie, aucune énergie, difficulté à comprendre des choses que j’avais habituellement de la facilité à comprendre. Bref, j’avais besoin d’aide.

C’est par la suite, en étant dans le domaine, que j’ai observé les différentes lacunes. J’ai vu les soins de deux différentes provinces, qui étaient très différents. Même crise, deux différentes gestions. Les rôles de l’infirmière sont ceux de phlébotomiste, de l’archiviste, de la réceptionniste, de la gestionnaire et j’en passe.

C’est une profession qui nécessite une partie de toi pour donner des soins de qualité, mais tout oublier quand ton relais est terminé. Car tu ne veux pas rapporter ton code bleu d’un papa de famille, d’une grand-maman mourante d’un cancer douloureux, d’un jeune adolescent qui prend sa première drogue et qui se termine avec lacunes.

Un constat de décès d’une patiente atteinte d’un problème de santé mentale et qui devient violente et ton collègue se fait frapper, une famille insatisfaite des soins et qui porte plainte, une petite fille qui s’est fait mordre au visage par un chien à multiples reprises et une gestion qui demande un meilleur rendement quand tu as l’impression d’avoir tout donné…

Par contre, il y a aussi certains patients qui sont très reconnaissants, qui ne sont pas sur un mode impératif, qui sont capables de dire un simple «merci» et qui comprennent la réalité des soins infirmiers. C’est tellement gratifiant. C’est tellement agréable quand quelqu’un comprend que je ne pouvais pas venir lui donner ses Tylenols tout de suite, car quelqu’un était en train de faire une réaction anaphylactique deux civières plus loin.

C’est un domaine dans lequel tu dois être constamment mentalement «sur la coche», car tu peux être à deux millilitres près d’induire une détresse respiratoire à quelqu’un. C’est aussi simple de ne pas être devant ton moniteur quand ton patient tombe en fibrillation ventriculaire car tu aidais ta collègue qui rush à faire monter ses patients aux étages et puis maintenant tu n’y peux rien, mais tu as maintenant plusieurs questions à répondre.

Ce texte tente d’expliquer la réalité des soins. En tant qu’infirmiers, on doit se supporter, s’épauler, se poser la question: est-ce qu’on mérite mieux? J’ai perdu la flamme, une flamme qui brûlait de passion, d’envie et d’empathie. Maintenant, je travaille car j’ai pitié. Pitié pour mes collègues, pour le système, j’ai une injustice constante envers la façon dont nous sommes traités. Au gouvernement, je dis: venez travailler, venez, vous aussi, voir notre réalité. Pourtant, ce sont leurs taxes, nos taxes, mais c’est vous qui les gérez avec notre argent. C’est ça la réalité d’une infirmière de cœur.

 

 

J.D.

Source photo: Unsplash

Champagne & Confetti

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