ÉTATS D'ÂME Maman

Lettre à un homme violent

Depuis bientôt un an, j’ai repris le contrôle de ma vie. Pour y parvenir, j’ai dû affronter mes peurs, me regarder droit dans la glace et te sortir de ma vie. À contrecœur, et malgré tout l’espoir d’un bon fond, j’ai choisi de couper les ponts. Comme une fleur laissée dans l’ombre, sans eau, j’étais.

Morte, brisée, fanée, écrasée, chiffonnée, coincée, emprisonnée. Emprisonnée dans cette danse de pouvoir malsain, d’égoïsme démesuré où je suis la marionnette d’un adulte qui a été un enfant brisé. Mais le passé, aussi sombre qu’il puisse être, ne donne aucun droit à quiconque de ravager tout sur son passage. Chaque individu élèvera son niveau de conscience spirituel à un certain moment. Lorsque ce moment arrivera pour toi, tu comprendras que la souffrance du passé est une bénédiction pour la personne que tu seras dans cette vie ou celle d’après.

Quand je réfléchis à tout ce que tu m’as fait endurer, je vois clairement que j’ai souvent passé près de vivre mon éveil spirituel dans une autre vie. Les menaces non exécutées ne m’ont pas tuée physiquement, toutefois, je suis convaincue que la moi d’hier est morte et enterrée. Tout comme le Phoenix, ma foi, mon amour et l’espoir m’ont fait renaître de mes cendres.

Nos chemins ne se sont pas croisés par hasard, car d’aucun hasard ne peut naître une pureté comme ma fille. Cette âme qui voulait tellement vivre, qui est venue s’implanter là, sans invitation, comme une bénédiction! Mon enfant, ma vie, ma lueur, ma douceur, mon âme sœur. À peine ma chair et mon sang commençaient à rythmer les battements de son cœur que tu essayais de la tuer. Ensanglantée, seule à l’hôpital, je me souviens que j’ai su à cet instant, que cet enfant voulait vivre! Ma guerrière née, ma pureté, ma sagesse.

J’ai longuement réfléchi à savoir comment une telle pureté pouvait naître d’une femme aussi brisée, angoissée, terrifiée et malheureuse. Ce bébé qui a traversé vents et marées avec moi, qui a vécu toute cette violence, ces vibes nocifs, pourris, toxiques, qui m’ont même rendue malade. Ce bébé rempli d’amour, fabriqué dans une maison abandonnée, hantée et en ruines.

À l’époque, je croyais que ma lueur d’espoir allait m’éclairer pour des jours meilleurs. Que ces yeux m’illumineraient par magie et que mon malheur intérieur, ma prison dans laquelle tu me gardais captive, disparaîtrait. Je n’avais pas compris qu’un véritable parcours de guerrière m’attendait pour briser cette prison de verre. Un véritable chemin de croix, parsemé d’embûches, d’angoisse, d’insécurité financière, de honte, de peur, de mal-être.

Femme forte, éduquée, déterminée et intelligente. Coincée à valser au rythme du cycle de la violence conjugale. Femme de valeur, capable d’avancer malgré une enfance ternie par les actions d’un père violent. Enfant brisée par l’ego de papa et la douleur de maman. Femme construite sur une fondation en papier mâché.

La vie a drôlement le don de nous remettre dans nos maillons faibles jusqu’à ce que la faiblesse ne soit plus. J’ai longtemps cru que je devais te traîner comme un fardeau, que je devais subir tes tempêtes en baissant ma tête. Mais, je ne suis plus une enfant, je n’ai pas à subir tout ce mal-être infligé par tes actions. Ce n’est qu’avec tout l’amour que j’ai pour mon enfant que j’ai réussi à prendre un pas de recul pour respirer entre deux coups de mitraillette dans l’âme. Dans le feu de l’action, je ne pouvais m’accorder ma propre merci. Ce n’est qu’avec du recul que j’y suis parvenue.

Depuis 1 an, je n’ai plus à subir ton regard, tes paroles, tes actions et c’est une vraie bénédiction. Grâce à ce répit, j’ai pu découvrir l’âme que je suis réellement, reconstruire mes fondations sur du béton et dire au revoir aux démons. J’ai rencontré le bonheur, il est doux et calme, chaleureux et harmonieux. Je te souhaite de pouvoir l’accueillir toi aussi, un jour. Mon havre de paix n’est pas infaillible, il m’arrive encore d’avoir des moments d’angoisse, que j’ai appris à dompter en redirigeant l’énergie par des techniques de méditation. J’ai encore peur de te recroiser, de croiser ton regard, de ressentir cet amour toxique.

J’ai rêvé que tu étais mort, je me suis réveillée, perturbée des larmes de soulagement que j’ai versées dans les bras de Morphée. Depuis, quand je pense à toi, je prie pour toi. Pour qu’un jour tu sois libéré de tes démons. Je ne te souhaite aucun malheur et je t’ai pardonné pour me permettre de mieux avancer.

Ceci étant dit, tel un oiseau, je désire voler en toute liberté, en paix, sans être emprisonnée dans cette cage transparente et sans avoir peur de me faire transpercer le cœur par rancœur. Je veux marcher en sécurité, sans être épiée, en toute liberté. Je veux offrir une belle vie à mon enfant, dans le bonheur, la paix d’esprit, l’amour, la gratitude et l’abondance.

Je ne te souhaite ni d’être enfermée, ni de payer un quelconque juste prix pour le mal que j’ai subi. Je veux simplement être loin de toi, que tu acceptes de me laisser partir en paix, en harmonie, loin de toi. La seule victoire est que tu fasses enfin la paix avec toi-même, que tu t’accordes ta propre merci et que tu t’élèves spirituellement, dans ton propre chemin, loin du mien.

Avec tout mon amour et beaucoup de sérénité,

 

 

Anonyme

Source photo: Unsplash

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