Champagne & Confetti

Ton départ

On est en plein mois de décembre, c’est une journée particulièrement froide aujourd’hui. Même si le thermostat est au fond, on est tout de même en train de grelotter. Pendant que tu déménages tes boîtes, en faisant des aller-retours, je m’occupe de ramasser derrière toi. Coup de balai par ci et coup de chiffon par là. Je ne crois pas que la cuisine de ton petit 2 ½, dans Hochelag’, ait déjà été aussi propre. On forme une bonne équipe, on n’a pas besoin de se dire quoi que ce soit.

C’est peut-être ça le problème: on ne se dit rien. Tu sembles être ailleurs, même si ton corps est positionné devant moi. Le silence flotte comme si j’avais allumé une tige d’encens, dans le but de créer cette aura désagréable. Je ne sais pas à quoi tu penses, mais de mon côté, ça n’arrête pas. Je me sens comme dans le dernier épisode de F.R.I.E.N.D.S où tout le monde doit remettre la clé de l’appartement, pour s’en aller chacun de leur bord. Je n’aurais jamais pensé le vivre dans la réalité, ça me pince presque autant. Les pièces se sont vidées à une vitesse de feu, il ne reste déjà plus rien et la voiture est pleine à craquer.

«Bon, c’était la dernière boîte. Es-tu prête à y aller?»

Attends, où ça? Tu me regardes, entre tes murs débarrassés, comme si je suis supposée être enjouée de ton départ. Une tonne de choses me traverse l’esprit, en ce moment, mais rien de concret ne me vient. Je ne sais pas quoi te dire. Ai-je l’air de connaître la suite des événements? J’ai une triste mine, sans que je puisse la contrôler. Je suis un livre ouvert, je suis incapable de cacher ce que je ressens. Je dois quitter un endroit sécuritaire où j’y jette habituellement tous mes maux. Tu me flattes l’épaule, d’un geste qui dit que tout ira bien.

À cet instant précis, j’ai senti quelque chose se briser. On dirait qu’une partie de moi s’est fait violemment arracher contre mon gré. Tu retournes vivre dans ta ville natale et tu me laisses ici, sans repères. Tu me fais sentir comme un vieux bibelot laid dont tu désires mettre à la poubelle. Tu n’as plus de place pour moi, ni pour un bibelot dans tes bagages. La seule chose que je réussis à faire est de te sourire bêtement. Je m’excuse, ce n’était pas grand-chose, mais j’ai voulu te montrer que j’étais capable d’être forte.

«Oui

On vient d’embarquer dans ta voiture compactée. J’étouffe. Le fait d’y penser, présentement, me donne des nausées. En fait, ce doit être le mal de transport, ça brasse pas mal sur les routes enneigées de Montréal. On est dans la voiture et on ne se parle encore pas: j’ai trop peur d’éclater en sanglots, en te suppliant de ne pas t’en aller. Pour que tu saches franchement, j’ai peur d’être en solitaire dans cette ville. J’ai peur de ne pas y arriver. Mon cœur bat si vite que j’ai l’impression qu’il va lâcher.

Je fais un retour dans le passé où j’avais envie d’explorer, à ma façon, une ville que je ne connaissais pas. Je m’étais tirée une balle dans le pied en pensant que ça allait être facile. Tu ne peux même pas savoir à quel point j’étais heureuse, quand tu es venu me rejoindre. Je le voyais comme le calme après la tempête, comme une bouée de sauvetage. Ça tourne rapidement dans ma tête, j’essaie de garder l’œil à l’extérieur pour me changer les idées, mais ça ne fonctionne pas. Je sais que ce ne sera pas la dernière fois que je traverserai la rue Ontario, mais j’agis comme si. Je vois toutes ces boutiques, ces lumières, ces gens. Ça me fait claquer des dents, non pas parce que j’ai froid, mais parce que je suis en état de panique.

«Ça va? On dirait que t’as froid, je vais monter le chauffage de ton siège.»

Je n’en ai pas besoin, j’ai déjà des sueurs froides. Je te laisse quand même faire, parce que j’apprécie ta tendresse à mon égard. On n’a jamais été vraiment bons pour se communiquer nos émotions. Ce qu’on trouve à faire, durant notre trajet jusqu’à chez moi, est de se remémorer nos moments loufoques qu’on a passés ensemble et de se raconter des blagues stupides. Même là, on sent que c’est lourd puisque la conversation ne dure pas longtemps. Accompagné d’un rire jaune, on se retourne la tête vers notre position initiale.

Je ne crois pas que ce soit un secret pour personne, j’ai de la difficulté à affronter seule. De devoir me contenter avec mes propres moyens, en comptant sur mes aptitudes de jeune adulte responsable. Ça, tu le sais déjà et c’est probablement pour cette raison qu’on laisse planer un silence radio dans la voiture. Je sais que tu souries et étrangement, ça me rassure de savoir qu’on n’a pas besoin de discuter pour se comprendre mutuellement. En attendant, je ferme les yeux en souhaitant que cette escapade, jusqu’à ce que j’arrive devant ma porte d’appartement, s’éternise un peu plus.

 

 

 

 

Alx.

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