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Lettre à la maman de mes petits cocos

Non, je ne suis pas là pour te remplacer. Loin de là, des enfants, j’en veux à moi. Mais sache que si je dis MES enfants, MON coco, MON petit chaton, c’est tout à ton avantage. Cela signifie que j’en prendrai soin comme les miens, comme la prunelle de mes yeux. Que je ne me pardonnerais jamais s’il lui arrivait quelque chose. Que je passerai des soirées à penser à une activité ou un bricolage qui va l’amuser. Ramener sa job à maison est rarement positif, mais quand t’es éducatrice, c’est tout à fait normal. Mon travail, c’est ma passion.

Il se peut que je verse une larme lors de ses premiers pas, la première fois où il me dira «maman» et où je me dépêcherai de lui dire «moi, c’est Rosy». Et après 4 années à les accueillir chaque matin, à les bercer pour les endormir, à les voir grandir, eh bien, il est fort possible que je pleure toutes les larmes de mon corps suite au spectacle de finissants.

Je le répète, c’est pas pour te remplacer, c’est que les dernières années, ton petit loup, ta petite princesse, ils ont fait partie de mon quotidien, autant que du tien.

La différence, moi je connais quand sera la dernière journée. Après, ce sera fini. Les chances que je le recroise sont plutôt minces. Ah, c’est sur, j’ai pensé le suivre au primaire, mais là, c’est vrai que ça aurait été weird! C’est un détachement qu’on apprend à se créer, mais en réalité, on a le cœur brisé, chaque année. C’est toujours à recommencer. Ça fait partie de notre réalité.

Je te mentirais si je te disais qu’on n’a pas de chouchou. C’est faux. Sur 80 enfants que je croise quotidiennement, y’en a toujours un qui va plus me charmer, et tant mieux s’il est dans mon groupe. Et il est faux qu’il lui sera tout permis. Au contraire! Je suis bien plus sévère avec mon p’tit loup, parce que je le sais qu’il le sait! Et dans une carrière, il va toujours en avoir un, un seul, qui ira chercher un je ne sais quoi en toi. Et celui-là, je risque de pleurer plus d’un soir son départ.

À toi, qui est stressée à chaque changement de groupe. N’imagine pas que ça ne m’angoisse pas, que je n’ai pas envie de changer de groupe et de le suivre jusqu’à son départ à la maternelle. Mais je vais t’avouer que je l’ai eu à la pouponnière, j’ai décidé de le suivre dans les 18 mois. Et faut se rendre à l’évidence qu’il a vraiment besoin d’une autre éducatrice. Parce qu’après 1 an, oui il me parle déjà comme sa mère. Y rouspète, m’ignore quand j’y parle, rit quand j’essaie de le réprimander. OK, y’est dans son terrible two, je l’admets, mais y’a plus que ça. Y’a le «jemenfoutisme» qui embarque après la routine. Alors un peu de changement ne lui fera pas de tort. Mais ne t’inquiète pas, j’aurai toujours un oeil sur lui, peu importe où il sera dans la garderie.

Et le plus beau cadeau que tu ne pourras jamais m’offrir, c’est sa photo de finissant, que je mettrai quelques temps sur mon frigo, avant de la serrer dans ma boîte à souvenirs, avec un petit mot, pour me dire merci. Parce que oui, j’ai passé 40h par semaine avec lui, pendant 4 ans. Parce que oui, je crois sincèrement avoir fait une différence dans sa jeune vie, en espérant qu’elle soit positive, même s’il ne s’en souviendra pas! Parce que oui, chaque fois qu’il m’a ébloui, m’a donné l’envie de plus de devenir maman, mais pas tout de suite, parce que je serais incapable de l’abandonner en milieu d’année. Parce que oui, je t’avoue, que je l’ai aimé dès la première journée et que c’est la raison du pourquoi, encore aujourd’hui, je ne suis qu’une éducatrice.

 

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R.

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