Champagne & Confetti

Partir pour mieux revenir…

J’ai passé trois semaines en France durant le mois d’août. Et comme avant chaque départ de Montréal, il monte en moi une exaspération contre la ville. Les gens que je croise sans cesse m’agacent, mon quartier me tape sur les nerfs, et même le parc Lafontaine que j’aime tant me paraît moins lumineux qu’à l’habitude.

J’ai hâte de sortir de la ville et me ressourcer auprès de ma famille, de profiter des beaux paysages que la France a à offrir, sa richesse culturelle, sans parler de toutes ses bonnes choses à manger!

Huit heures d’avion plus tard, je retrouve la maison de mon enfance, la Pâle, les mêmes odeurs que jadis, la beauté de la nature qui m’entoure et toutes ces choses que j’aime tant quand je suis en France: la sociabilité des gens, leur gentillesse, les repas qui s’éternisent, l’humour pince sans-rire des Français et leur côté «grande gueule» aussi. C’est ce qui se passe lorsqu’on se met en mode «vacances», peu importe où l’on va. Le Tout est plus beau, sympathique, léger, on s’émerveille avec un rien. Comme le dit l’expression: «L’herbe est plus verte chez le voisin».

Mais le même constat se pose toutes les fois: En France, je ne suis pas chez moi. J’y suis née, j’y ai fait quelques sauts pendant mon enfance passée en Afrique pour éventuellement débarquer dans la belle province, il y a plus de 27 ans. Ça fait bien longtemps que je ne porte plus l’étiquette de la «maudite Française». Je suis certainement aussi, si ce n’est pas plus «pure laine» que vous et pourtant… je ne me suis jamais sentie Québécoise. Je maîtrise parfaitement la culture, la mentalité, je suis complètement intégrée, je connais le répertoire de Beau Dommage sur le bout des doigts, parle en «joual» comme une vraie fille de la Beauce, peux citer les répliques d’Elvis Gratton, mais non, je ne suis pas Québécoise.

Je ne suis pas Québécoise et j’ai toujours refusé de l’être ou le devenir. Comme je ne suis pas plus Française pour autant. J’ai de la difficulté à concevoir que mon identité se résume à une culture plutôt qu’une autre. Je suis moi… un heureux mélange des deux et c’est très bien comme ça. Comme de nombreux immigrants, je jongle entre deux cultures et il n’y a pas vraiment un seul endroit que je considère comme chez moi.

En France, on me dit «Canadienne» avec mon petit accent et au Québec, on se questionne sur mes origines… Difficile de trouver sa place entre deux continents. J’ai un peu le cul entre deux chaises. Une fesse sur l’hémisphère nord-américain et l’autre en Europe. Mon sentiment d’appartenance avec mes deux pays est biaisé et il m’est encore difficile de trouver un endroit que j’appelle mon vrai «chez-moi». Un endroit où je pose mes valises pas seulement de passage, mais bien parce que je suis rentrée au bercail.

Cette difficulté d’appartenance m’a souvent pesée et elle me suivra sans doute toute ma vie. Elle fait partie de mon histoire, de mon parcours, mais avec le temps j’ai appris à tirer profit de ma situation. Tout est question de perspective… Ce n’est pas donné à tout le monde d’avoir la richesse de deux cultures. Alors j’ai décidé de les exploiter à mon avantage, la française comme la québécoise. Ce judicieux mélange des deux fait ma force et me permet de facilement me transformer en caméléon au besoin. Je suis riche de deux mentalités, pays, cultures.

Et comme c’est chaque fois le cas après avoir passé quelques temps en France, je me languis de retrouver Montréal. Mes repères, mon quartier qui me tapait sur les nerfs trois semaines plus tôt. Même toutes les choses qui me dérangent à l’habitude me paraissent soudainement moins pénibles. Je porte un regard renouvelé sur ce qui m’entoure comme lorsque j’y ai déménagé il y a plus de 20 ans. Et chaque fois, je dois me forcer d’admettre que même si mon identité culturelle reste à clarifier, ou du moins sera toujours une zone grise pour moi, à Montréal, je me sens chez moi plus que nulle part ailleurs. Il faut parfois partir pour mieux revenir.

 

 

 

 

E.

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