Champagne & Confetti

Un peu de change(ment), s’il-vous-plaît?

Combien de fois avez-vous entendu ça: «un peu de change s’il-vous-plaît?»? Je ne sais pas pour vous, mais moi, je marche beaucoup, en ville et dans mon quartier, puis cette phrase, je l’entends plus d’une fois par jour. Pas toujours exactement dans ces mots, mais toujours cette demande d’aide. Je ne sais pas toujours quoi faire, quoi répondre quand on m’interpelle. Mais à l’intérieur de moi, je ressens un inconfort. Pas par peur ou dégoût, non. J’ai du mal à ne pas échanger un regard, peut-être un sourire, mais toujours ce gros malaise profond qui me fait ressentir de la culpabilité et qui me fige.

Culpabilité de ne pas savoir comment les aider ou comment les regarder. Culpabilité d’être bien. Comment ça y a-t-il des gens qui se rendent là? Eh oui, je le sais, ce n’est pas de ma faute à moi s’ils sont là, mais une part de responsabilité nous revient à tous un peu au quotidien. Pas de les sortir de la rue, simplement… de les voir et de les accepter.

Un jour, alors que je sortais d’un restaurant avec une amie, une dame nous a interpellées. Mon amie s’est arrêtée pour l’écouter. J’ai trouvé ça beau, car je n’ai jamais été capable de faire ça. On a marché un peu avec elle. Je devais quitter, mais mon amie est allée au dépanneur du coin pour lui acheter un Redbull. C’était son craving. Ça m’a fait énormément réfléchir de voir ça.

Moi, une fois, j’ai voulu donner des clémentines à un monsieur dans la rue et il n’a vraiment pas apprécié… Il me les a redonnées brusquement.
Ce que je n’avais pas encore réalisé, c’est que c’est pas parce que t’es dans la rue que tu vas manger de tout et n’importe quoi qu’on te donne. Souvent, ces gens-là sont capables d’aller dans des centres d’hébergement pour un minimum d’aide, un peu de nourriture. C’est pas du luxe, mais ça permet de survivre. Ce qu’ils veulent, c’est un peu d’extra. Un peu de bonheur, comme toi et moi. Quelque chose qui goûte bon, qui remplit le vide. Qui leur donne l’impression d’avoir un peu de liberté, un peu de CHOIX.

Pendant longtemps, je jugeais ces gens. Je me disais qu’ils faisaient leurs difficiles à ne pas accepter ma nourriture et je me disais: «Mais si alors ils veulent juste de l’argent, peut-être que c’est pour de la drogue, ou de l’alcool…». Je n’acceptais pas de contribuer avec mon change pour ça… La vérité, c’est que tu ne sauras JAMAIS c’est quoi leur petit bonheur en donnant et que tu dois accepter que peu importe c’est pour quoi, c’est leur choix. Ce sont des humains. Des gens comme nous. Ils vivent une vie pas facile.

Je ne donne jamais à une personne qui crie ou qui semble intoxiquée, c’est ma règle à moi, mais je suis incapable de rester indifférente… et toi? Je me suis dit que je voulais juger moins et donner plus mais j’ai réalisé que souvent je n’avais juste réellement rien à donner. Pas de change à portée de main.

Avoue que tu as ça, une poignée de change chez toi dans un bocal, que tu n’as pas envie de rouler dans des petits trucs de plastique, prendre de ton temps, pour te rendre compte que tu as un gros 20$ de change après 2 ans…? Honnêtement, ce 20$ de change, il ne change pas grand-chose à ma vie. Je suis bien contente de l’avoir… mais quand il était du petit change dans un bol, j’en avais pas besoin. J’avais pas l’impression d’avoir ce 20$ et je vivais bien sans.

Pour d’autres, chacune de ces petites pièces est un symbole de changement, de bonheur, c’est un sentiment d’être vu lorsque reçu. Alors bref, j’ai commencé à piger dans mon pot pour me mettre du change dans les poches, à portée de main. Depuis, j’ai donné plusieurs fois. Des petites sommes pour de grands sourires. Quand je le donne, je regarde la personne dans les yeux avec un sourire. Mon but n’est pas tant de donner de l’argent, que de dire: «Tiens, je t’ai vu. Tiens, tu as été entendu.».

Je ne peux pas le faire pour tout le monde, ni tous les jours, évidemment… Je suis peut-être rêveuse et idéaliste, mais je pense quand même qu’avec un peu de change et un mouvement de gens, qui regardent les choses un peu différemment, on peut faire de beaux changements.

 

 

 

 

I.

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