Champagne & Confetti

Haïti – Jour 1

Il y a quelques années, j’ai fait mon cours d’éthique en éducation spécialisée. Un des thèmes majeurs était le choc culturel.

Dernièrement, j’ai vécu une expérience de ce genre qui m’a amenée à me questionner, à m’arrêter et à prendre le temps de réfléchir.

Je ne considère pas ce périple comme l’expérience d’une vie. J’avais un logis, j’ai bien dormi, mangé, j’étais en moyens et je ne manquais de rien.

Haïti. Ce pays, si pauvre.

J’ai toujours eu l’opinion que dans un monde, il y avait des très riches, des très pauvres et une classe moyenne.

Haïti. Ce pays si pauvre.

Je savais que je m’en allais passer trois semaines dans une petite auberge, sur la mer, avec des gens plus aisés que je connaissais.

On débarque à l’aéroport, puis on passe Port-au-Prince. Cette ville, où non seulement la pauvreté vous saute aux yeux, mais également les déchets, la pollution, le danger.

J’entends entre les lignes que parfois, le trajet de 2h peut en prendre 9 et que dans ce temps-là, le risque d’enlèvement est plus élevé. Les touristes, blancs, sont rares… Ce ne sont pas des crimes sexuels: du trafic humain. Non, il faut les comprendre, ces gens pauvres ont BESOIN de l’argent de cette rançon.

Haïti. Ce pays si pauvre.

Nous avons de la chance, il n’y a pas de trafic. J’observe. De notre voiture, on peut tout avoir sans même débarquer. Des produits locaux, frais, bons. Du pain, des mangues, des sandwichs. Le trajet est un marché.

Il n’y a pas vraiment de taxi, de bus. Mais tous et chacun est le covoiturage de l’autre. C’est un aspect qui m’a frappée, ici: la communauté, l’entraide, pour une bouchée de pain. Tant qu’il y a de la place, on embarque, on empile.

La route, bosseuse, rocheuse. Ça semble chaotique, mais quand on s’y attarde, d’un autre regard: le respect.

Ça klaxonne. Pas par manque de politesse. Pour t’avertir qu’on est là, que y’a un dépassement, un risque de danger. Tiens ta droite, je passe. J’ai vu des motos, des autos, des camions, passer si près les uns des autres. Sans accrochages, sans dépassement. Dans un mode «civilisé», je te garantis qu’il y aurait eu un carambolage. Mais ici, les gens se PARTAGENT la route.

J’en reviens à mon trajet. On a environ 2h à faire entre l’aéroport et la villa. Je me dis que plus on roule, plus on va approcher du «quartier de riches».

Plus on avance, plus ça se ressemble. La population est moins dense, certes, mais c’est du pareil au même. Grand-Goave. Une grande rue, un marché, des kiosques, beaucoup de gens, beaucoup de déchets. On passe sur un pont. Où jadis il y avait une rivière, c’est maintenant des tas de déchets. Qui brûlent.

Et parmi ces déchets, il y a, au loin, des enfants. Des enfants qui se baignent dans le peu d’eau qui y est. Un restant de la pluie. Des piles de déchets, de la boucane, des odeurs. C’est normal ici. J’y reviendrai plus tard.

On continue.

On tourne sur un petit chemin de terre, de roches, et je vois enfin la pancarte Taïno Beach. Je sais que tout droit, on y trouvera la plage. Sur ce petit chemin de terre, on y voit des «maisons». Certaines ont des murs, certaines un toît, certaines des portes. Mais aucune n’est complète. J’en constaterai, plus tard, que c’est la triste réalité d’Haïti depuis le tremblement de terre. Rien n’a encore été totalement reconstruit. On survit.

On continue.

Je vois la mer. Je suis certaine qu’on approche. C’est vrai. Mais pourquoi tout est aussi pauvre? Pourquoi il y a tant de déchets, encore?

On arrive à l’auberge. Je suis un tant soit peu soulagée. Une magnifique petite auberge, directement sur la mer. Entourée d’une magnifique végétation qui fait oublier tout le reste. Même si ce ne sera pas mon logis, j’y passerai le 3/4 de mon temps pour les 17 prochaines journées.

Il n’y a pas de quartier de riches. Il n’y a que des pauvres. Et quelques riches par-ci, par-là, qui les font vivre.

Alors il y a l’auberge, sur la mer, avec le magnifique restaurant. Une belle place où l’on sent la chaleur humaine. Le besoin de donner avant tout. Ici aussi, on survit. Des hommes blancs, dans un pays pauvre, ne font pas l’unanimité. Mais il y avait tout de même une centaine de clients par semaine. Ici aussi, la Covid fait mal au tourisme.

Et puis, il y a la maison familiale, un peu plus haut sur la montagne, vue sur la mer. Je croyais qu’on me taquinait quand on me disait que l’électricité et l’eau se faisaient rares en Haïti. Même chez les plus riches. On a la chance d’avoir de l’électricité en tout temps grâce au panneau solaire nouvellement installé et la génératrice. On a l’eau. L’eau potable doit être achetée en gallons. Il y a un système d’entretoit qui fait que nous avons la chance d’avoir un 5, 10 minutes d’eau chaude par jour. Présentement, ils sont 3 à vivre à l’auberge, 4 à la villa. Ça ne fait pas gros de minutes d’eau chaude par personne!

Mais les gens d’ici n’ont pas cette chance. Même si plusieurs sont branchés sur l’électricité, il n’y en a pas assez pour tous. Alors on ne sait pas quand il y en aura et surtout, le soir, la nuit, c’est fermé. Alors ici, à 20h, la ville est sous la noirceur. On se couche tôt, on se lève tôt.

Mais la beauté des étoiles, du ciel, de la vue, est tout simplement remarquable dans cette noirceur.

Il y a quelques rassemblements sous les quelques lampadaires. Et on accueille parfois ceux qui n’ont tout simplement pas d’électricité et qui viennent faire charger les cellulaires. Parce qu’ici, tout le monde a également des cellulaires. Et les contrats ne se renouvellent pas comme chez nous. C’est comme à la carte, chaque mois, tu dois te rendre en magasin, à la grande ville, pour recharger le tout.

Voilà, je suis dans le pays depuis moins de 4h, et j’y sens déjà la lourdeur de ce que ce peuple a dû, doit endurer, et endurera.

 

 

R.

Source photo: Unsplash