Je suis angoissée. Voilà… c’est dit. Je suis une grande stressée de la vie! Je m’inquiète quand l’autobus a du retard, quand j’envoie un texto et que l’on ne me répond pas ou quand je regarde mon compte bancaire (who doesn’t?!). Toute situation est propice aux questionnements et à de l’incertitude.
Pourtant, je n’ai pas toujours été comme ça; enfant et ado, il me semble que j’étais plutôt de nature insouciante, je ne me cassais pas trop la tête à essayer de comprendre le pourquoi du comment. Je vivais ma vie, sans trop me soucier du futur. En fait, j’avais toujours hâte de voir le lendemain arriver, excitée à l’idée de ce que ce jour nouveau pouvait me réserver comme aventures, rencontres ou opportunités. Vous savez, cette sensation qui nous habite en ouvrant les yeux le matin de Noël? Un mélange d’excitation, de hâte, une touche de fébrilité et un peu d’appréhension aussi? Eh bien, c’était ma réalité et je m’en délectais.
Et puis, tranquillement, je suis rentrée dans la vie d’adulte et je crois que c’est à partir de ce moment-là que tout a basculé. Responsabilités, obligations, comptes à payer, préparer son futur professionnel, perte d’un être cher, la pression sociale, être loin de sa famille, l’attente des proches et répondre à certains standards, voir ses amis avancer dans une direction et sans vouloir être conformiste, essayer de suivre un quelconque chemin… La vraie vie d’adulte, quoi! À partir de ce moment-là, rien n’a plus jamais été pareil. Toutes les raisons étaient bonnes pour me stresser et de moins en moins dormir… moi qui avais pourtant mes titres en règle comme sportive de haut niveau question dodo.
Depuis plusieurs années, je loge un pensionnaire qui n’aide en rien à ma cause. J’ai un petit hamster entre les deux oreilles. Appelons-le Diego pour le besoin de ce texte. Diego me donne souvent du fil à retordre. Diego ne me donne pas beaucoup de répit pour laisser mon cerveau se reposer. Déjà que je pense, analyse, décortique tout ce que l’on me dit, sa présence n’aide pas à ma condition de stressée. Et comme tout bon rongeur qui se respecte, Diego est particulièrement actif la nuit… le petit salopard! Quand il commence à s’agiter, qu’il se met à courir et fait spinner sa roue de métal, je suis foutue.
Impossible de le modérer, il est déchaîné et même quand il est épuisé, c’est à croire qu’il prend un certain plaisir à me torturer. Alors je lui parle, doucement d’abord, gentiment, je lui demande de se calmer, de ralentir un peu sa cadence. J’essaie de l’amadouer et le tranquilliser, en lui disant que tout ce boucan ne sert à rien. Que j’ai vraiment besoin de dormir, de me reposer, mais surtout, de ne pas penser. Que ces millions de questions qui tourbillonnent dans ma tête peuvent me quitter un moment et qu’il peut les emmener avec lui dans sa course folle, qu’il aura son lot de caresses et de croquettes s’il reste sage dans sa cage et ne fait pas trop de bruit. Mais non, Diego n’en fait qu’à sa tête. Évidemment, puisqu’il a le contrôle sur la mienne!!
Il arrive parfois qu’il abdique et me donne des pauses, des petits moments d’apaisement. Probablement que ces petites pattes, elles aussi, sont fatiguées de cette course effrénée qui ne mène nulle part. Peut-être qu’il réalise que ce bordel ne sert à rien, mais malgré tout, il continue à trottiner, sans relâche, dans sa fichue roue, même en ralentissant son rythme.
Diego est du genre entêté et peu coopératif. Quand il a une idée en tête… il ne la lâche pas. Faut croire qu’il ressemble un peu à sa maîtresse, finalement! Je lui ai proposé des alternatives pour calmer son hyperactivité: on fait du yoga ensemble, on prend des marches quand je n’en peux plus de faire les cent pas avec lui qui en rajoute… Parce que ça finit par faire beaucoup de pas, mine de rien! On se parle, enfin je lui parle à voix haute pour essayer qu’il se calme un peu.
Pour être très honnête, j’ai bien envisagé l’empoisonner avec de la mort aux rats, histoire qu’il me foute la paix une bonne fois pour toutes. Mais je ne m’y résous pas. La mort de Diego serait aussi un peu la mienne. Alors, quand je n’en peux vraiment plus et qu’il refuse de collaborer, je l’anesthésie à grands coups de Xanax histoire de dormir, juste dormir, plonger dans une bulle de coton pendant des heures sans penser à rien, histoire de m’oublier un moment et mettre mon cerveau à off.
Le mien s’appelle Diego, mais nous avons tous et chacun un petit locataire dans la tête. Certains d’entre nous savent dompter leur petite bête et d’autres, comme moi, moins habiles, apprennent à vivre avec. Je ne sais pas comment m’en débarrasser et je n’ai pas nécessairement envie qu’il me quitte pour toujours. Je veux juste un peu de tranquillité parfois… Est-ce trop demander? Dealer avec Diego demande énormément d’énergie et une bonne dose de stabilité pour ne pas sombrer dans la folie, mais je tiens le coup. Reste que certaines périodes sont plus difficiles que d’autres.
J’ai cette amie proche qui m’a avoué redouter l’heure du dodo à cause son hamster à elle qui commence lui aussi à s’activer quand le soleil se couche… Bien que sa situation m’attriste, elle me rassure aussi. Je ne suis pas toute seule avec mes inquiétudes et mes dix mille questions! C’est ironique quand on y pense; enfants, nous avions peur des gros méchants monstres cachés sous le lit qui apparaissaient à l’heure du coucher… adultes, c’est de petits rongeurs logés entre nos deux oreilles que nous craignons…
Les spécialistes s’entendent pour appeler ça du overthinking… moi, je l’appelle ma réalité. Je n’ai pas choisi que les choses prennent cette tournure, alors en attendant que ça se calme dans ma tête et dans la cage de Diego, j’écris, m’entoure de personnes qui me sont chères, je fais des trucs que j’aime, je répète des mantras et essaie tant bien que mal de relativiser et diminuer mon hyperactivité cérébrale. Et vous? Votre petit hamster… il se porte comment?
E.
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