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Lettre à toi, maman, qui manque à ma vie

Je t’aurais voulu dans ma vie, même si tu en as décidé autrement. Je t’aurais fait une place bien spéciale comme celle que je m’étais imaginée quand j’étais une fillette. Mais je ne t’en veux pas. Je ne t’en veux pas parce que tu m’as rendu la femme que je suis aujourd’hui. Tu m’as appris la vie par ton absence. C’est drôle à dire, mais je t’en dois toute une.

T’sais, ça remonte à plusieurs années, mais je me souviens de moi petite fille et toi qui tentais du mieux que tu le pouvais d’avoir l’air fière. C’était difficile pour toi. Sur le moment, je ne m’en étais pas rendu compte, mais maintenant, je réalise les sacrifices que tu faisais pour que je me sente désirée. La vie nous a séparées, mais ce n’est pas plus mal pour autant.

J’ai le souvenir que tu étais là à ma première peine d’amour, à essayer de m’expliquer des choses que toi-même tu ne maîtrisais pas. Toi et moi, on s’est dit des atrocités. C’était tellement mélangé dans ta tête. Parfois, tu essayais de m’apprendre la vie; d’autres fois, j’étais ta rivale. Je n’étais pourtant qu’une jeune fille, mais toi tu n’étais encore qu’une jeune femme. Je cherchais ton attention. Dans le fond, je voulais juste que tu m’aimes et plus je le souhaitais, plus tu me repoussais. Un jour, je me suis sentie tellement loin de toi que j’ai décidé de partir et tu ne m’as jamais retenue. Tu as manqué beaucoup de chapitres dans ma vie et il y a une multitude de décisions que j’ai prises sans ton approbation. Je me suis improvisée adulte bien avant de l’être pour vrai.

Tu m’as manqué, quand j’ai dû choisir entre la carrière de mes rêves et donner la vie. Tu m’as manqué, quand j’ai été confrontée à la maladie ou que j’ai dû choisir entre l’amour de ma jeunesse et mon amant. J’aurais eu tellement d’histoires à te raconter. Jamais tu ne te serais ennuyée avec moi.

Tu sais, j’ai mis des enfants au monde, trois. Je sais c’est quoi être une maman maintenant. C’est tout un privilège, je trouve. Mais tu avais raison, ça ne vient pas avec un manuel d’instruction ces petites «bibittes»-là. Je fais du mieux que je peux pour leur donner le meilleur de moi-même, mais quand je les regarde grandir, je pense à toi. Je dis à tout le monde que c’est loin, que ce n’est rien, mais ce n’est pas vrai. À chacune des étapes de ma vie, je pense toujours à ce que tu en penserais et aux conseils que tu me donnerais.

Je t’en ai tellement voulu que même un jour, j’ai menti. J’ai menti à tous en disant que papa et toi étiez morts dans un accident de voiture. C’était triste, mais au moins, j’avais la paix. Ça m’évitait beaucoup d’amertume et c’était tellement libérateur. C’est lourd d’expliquer à chaque personne que je rencontre les quinze premières années de ma vie de façon aussi détachée.

Ma vie a changé beaucoup ces dernières années. C’est un torrent d’émotions ici. J’apprends de plus en plus à faire confiance à mes intuitions et à être ma propre mère. En fait, c’est l’opportunité que tu m’as donnée en m’éloignant de ta vie et chaque jour, je m’approche de cette journée où j’aurai enfin fait le deuil de cette relation amère. Lorsque mes enfants me demanderont le nom de ma maman et que j’arriverai à leur répondre sans sentir mon cœur se nouer. Lorsque je pourrai voir une mère embrasser sa fille dans un film sans que des larmes coulent sur mes joues. Par contre, ma chère maman, je garderai toujours un rêve. Celui de t’entendre me dire que tu es fière de moi.

 

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L.-J.

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