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L’anxiété et moi

Depuis près de 2 ans, je vis avec un sentiment jamais ressenti auparavant. Un sentiment apparu soudainement sans aucun signe précurseur. Il est si puissant, qu’il a franchi la barrière des émotions pour se manifester physiquement et me fait parfois perdre tous mes moyens au point où j’ai déjà pensé que j’avais de sérieux problèmes de santé. Ce sentiment est l’anxiété.

Tout a commencé le 16 juillet 2019, un mardi normal, alors que j’étais au bureau. J’ai ressenti un pincement à la poitrine, une sensation banale qui finit toujours par partir rapidement. Mais celui-ci persistait.

Il s’est accentué au point où j’ai cédé à la panique. Je me suis mis à hyperventiler, j’ai ressenti un engourdissement au niveau des doigts et avant de perdre tous mes moyens, j’ai demandé à un collègue d’appeler une ambulance. J’ai fini par m’évanouir en me disant que j’allais succomber à une crise cardiaque. Ce qui semble avoir eu des allures de cauchemar interminable n’a duré en fin de compte que quelques minutes. Assis par terre, tout en sueur et reprenant mes esprits, les ambulanciers m’ont transporté à l’hôpital. Après une batterie de tests avec un cardiologue, j’ai eu un verdict pour le moins surprenant: J’étais un trentenaire en parfaite santé qui n’avait fait qu’une simple crise d’anxiété.

Et puis, quand l’automne 2019 est arrivé, l’anxiété s’est pointé à nouveau le bout du nez. Les dernières semaines pluvieuses d’octobre combinées au changement d’heure et à la disparition progressive du soleil ont été particulièrement difficiles. Je n’avais aucune idée comment chasser cette anxiété, au point de passer plusieurs nuits blanches qui ont contribué à empirer mes symptômes. Un matin, alors que je suis rentré travailler, exténué, j’ai éclaté en sanglots. Incapable de contrôler mon état. J’étais dans un cercle vicieux, comme aspiré par des sables mouvants.

J’ai retrouvé un certain contrôle dans les mois qui ont suivi, jusqu’au confinement du printemps 2020. Le stress de m’habituer à une nouvelle routine de télétravail, d’absence de contacts humains et la fermeture des gyms m’ont achevé. Mon anxiété a commencé à se faire ressentir par de la fatigue chronique à tout moment de la journée, peu importe mon nombre d’heures de sommeil. Ensuite, les choses ont dégénéré: insomnie, palpitations cardiaques, engourdissements majeurs des membres, migraines et difficultés respiratoires fréquentes.

Mon corps n’a pas été en mesure de gérer tout cette anxiété. Après un mois de malaise généralisé, j’ai été victime d’une autre crise de panique majeure. Heureusement J’ai été en mesure de rester conscient, mais j’ai dû être transporté à l’hôpital en ambulance. Je suis resté, le temps de reprendre mes esprits, et on m’a renvoyé chez nous.

Ce jour-là, j’ai compris que ma vie allait changer. J’ai compris que l’anxiété faisait maintenant partie de ma vie. Comme un invité indésirable qui peut venir gâcher le party à tout moment et transformer une journée parfaite en cauchemar. Un invité qui peut faire apparaitre d’autres sentiments comme la solitude, l’impuissance la culpabilité et la honte. Des sentiments qui ne font qu’empirer le malaise.

Pour m’aider, j’ai consulté plusieurs professionnels de la santé. Bien que d’en parler est primordial, je n’ai pas trouvé le réconfort dont j’espérais. Par contre, ce réconfort est venu lors d’un appel avec un membre de ma famille qui vit la même chose que moi depuis plusieurs années. Plus il me partageait son expérience, plus je commençais à être soulagé d’entendre des évènements familiers que j’avais moi aussi vécus. J’ai été également rassuré de savoir que je n’étais pas le seul à ressentir de telles choses. Cet appel m’a ouvert les yeux et j’ai réalisé que d’autres personnes de mon entourage avaient eux aussi vécu de l’anxiété.

Depuis, j’ai franchi une étape importante: accepter que je suis quelqu’un d’anxieux. Pour une personne de 32 ans active et en bonne santé, c’est un véritable exercice d’orgueil d’accepter qu’à tout moment, on peut perdre nos moyens. Qu’on puisse avoir des douleurs qui nous font croire qu’on est sérieusement malade. Qu’on puisse se mettre à pleurer pour aucune raison particulière. Qu’on puisse se mettre à hyperventiler à un point où il faut respirer dans un sac de papier. Et qu’on puisse passer des nuits entières avec des palpitations cardiaques. J’ai finalement accepté que je n’étais qu’un minuscule grain de sable dans le désert de l’anxiété.

Accepter l’anxiété est une chose, mais la contrôler en est une toute autre. Surtout quand il n’existe pas de remèdes. De mon côté, même s’il y a eu de meilleurs moments dernièrement, chaque jour représente un combat. Pour l’instant, le sport semble être la seule chose qui apaise ma condition. Quand même ironique que j’aie longtemps appelé le sport ma drogue et qu’il est maintenant devenu une obligation pour ma santé mentale.

Chaque personne réagit différemment à l’anxiété. Alors ce qui fonctionne pour moi n’est pas nécessairement gage de succès pour d’autres. Plusieurs pistes de solutions existent, dont le sport, la méditation ainsi que la médication, mais le plus important, selon moi, est d’en parler. Que ce soit à travers une thérapie ou simplement avec des gens de votre entourage, c’est à vous de faire des expériences afin d’améliorer votre situation. Surtout dans le contexte actuel, qui représente, à mon avis, le meilleur moment de prendre soin de soi-même.

Si vous êtes de ceux qui vivaient très bien avant le confinement, mais que depuis, vous ressentez de l’anxiété, rassurez-vous, c’est normal. Les spécialistes s’entendent pour dire qu’obliger des milliards de personnes à se confiner et à changer de nombreux aspects de leurs modes de vie est un cocktail parfait pour une explosion de cas d’anxiété. Il ne serait donc pas surprenant que la santé mentale soit un enjeu social des plus importants dans les prochaines années.

Ce texte, je le dédis à toutes les personnes qui se reconnaissent dans ces dernières lignes. Aux gens qui pensent encore que de tout garder en dedans est la solution pour ne pas paraître faibles. Aux travailleurs qui cachent leurs émotions, par peur de réprimandes de leurs employeurs. Aux parents, qui souffrent, mais qui n’osent rien montrer à leurs enfants, pour ne pas les inquiéter. Aux jeunes étudiants, qui se démotivent de jour en jour, seuls devant un écran d’ordinateur. Aux personnes âgées, qui doivent vivre isolées des personnes qu’ils aiment. Aux entrepreneurs, qui voient leur commerce s’écrouler. Et à toutes les personnes qui sont simplement angoissées face à un avenir incertain.

À vous, je dis: vous n’êtes pas seuls. Vous n’êtes pas bizarres. Vous êtes plutôt des personnes parfaitement imparfaites qui ne méritent pas de vivre avec le fardeau de souffrir en silence.

Prenez soins de vous, un jour à la fois.

 

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Ju. – Collaboration ponctuelle

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