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Quand l’orgueil doit prendre le bord

L’être humain, dès ses premières respirations, se retrouve devant une réalité: il a besoin d’aide pour sa survie. Au cours de sa vie, dans plusieurs aspects, il bénéficiera d’un coup de pouce pour passer à travers sa naissance, son enfance, son adolescence et finalement, sa vie d’adulte.

Même arrivés à maturité, les adultes se retrouvent devant plusieurs problèmes et embûches de la vie quotidienne qui nécessitent de l’aide. Cette réalité est si présente et naturelle qu’elle passe inaperçue. Un automatisme qu’on ne questionne plus.

Mais comment se fait-il que lorsqu’il est question de maladie mentale, le sujet est plus délicat? Pourquoi hésitons-nous à s’exprimer ou même demander de l’aide lorsqu’il en est nécessaire? Plusieurs réponses existent, mais celles qui ressortent du lot sont la peur et l’orgueil. De mon côté, la peur ne représente pas un enjeu, ayant déjà partagé que j’ai vécu des moments difficiles et que j’étais allé chercher de l’aide. L’orgueil par contre, est une tout autre histoire et c’est ce que j’ai l’intention de vous partager dans les prochaines lignes.

Le confinement m’a plongé dans un trou noir si profond qu’il m’aurait fallu escalader l’Everest pour m’en sortir. Anxiété, problèmes de santé intermittents, solitude, constantes remises en question, confiance en voie de disparition, perte de motivation et d’appétit et finalement, la dépression.

L’orgueil m’a longtemps poussé à penser que j’allais pouvoir m’en sortir moi-même avec une échappatoire comme le sport. Malheureusement, me battre contre tous ces éléments pendant plusieurs mois a drainé la totalité de mon énergie. Le sport, peu importe sa forme, est devenu difficile à pratiquer et se résumait à un soulagement éphémère. Si ce n’était pas assez, le temps des Fêtes m’a assené un coup de massue sous forme d’un virus qui n’était pas la covid et qui a pris des semaines à guérir.

Au début de l’année, j’étais brisé. Chaque matin, je me réveillais épuisé et malheureux. J’ai atteint un point où me préparer un simple déjeuner devenait difficile. J’ai même réalisé que j’étais en train de devenir un boulet pour plusieurs personnes dans mon entourage. Inévitablement, j’ai constaté qu’il était temps que je laisse mon orgueil prendre le bord. Le 1er février, j’ai pris la décision de retourner chercher de l’aide. De l’aide qui m’a fait commencer temporairement la prise d’antidépresseurs et qui m’a fait quitter mon emploi pendant un mois et demi pour prendre un congé des plus nécessaires.

J’ai longtemps eu des réticences face aux antidépresseurs. Pourtant, ces médicaments servent seulement à traiter un malaise, au même titre qu’on utilise des Advil pour soulager un mal de tête. Il était nécessaire que je tente l’expérience après avoir vu mes autres avenues me mener dans un cul-de-sac. Surtout que, pour plusieurs semaines, j’allais être libre de toutes responsabilités autres que de prendre soin de moi. La première semaine s’est résumée à un sommeil de douze heures par jour et à passer la grande majorité de mon temps à pleurer comme je l’ai rarement fait dans ma vie.

Après deux semaines, les choses se sont tranquillement replacées. L’appétit, la forme et l’humeur se sont nettement améliorés. La motivation aussi est revenue. J’ai recommencé à faire du sport à chaque jour et à me concentrer sur des petits projets personnels que je n’avais jamais pris le temps d’entamer.

Quelques jours plus tard, je me suis réveillé avec une énergie que j’ai rarement eue dans ma vie. Même à ce jour, cette aura-là n’est jamais disparue. Ma confiance est devenue inébranlable au point de rendre les aspects négatifs de ma vie quotidienne impertinents. Au début, je n’arrivais pas à mettre le doigt sur ce que je ressentais, jusqu’au jour où quelqu’un me l’a mentionné, comme si c’était d’une évidence: j’avais un sourire contagieux. Après tant d’années, j’ai finalement retrouvé le sentiment d’être heureux. En l’espace de quelques semaines, ma vie a complètement changé…

J’ai harmonisé ma relation avec mon père qui a longtemps été problématique. J’ai solidifié des amitiés qui m’ont grandement aidé dans cette période difficile. J’ai atteint une forme physique que je n’avais jamais pensé atteindre, me permettant même un demi-marathon qui m’aurait semblé impossible il y a quelques mois. J’ai accepté une promotion professionnelle. Mais, c’est ma sœur qui m’a donné le plus beau des cadeaux. Elle a donné naissance à une fille adorable qui aura l’oncle le plus heureux au monde.

À ce jour, je ne sais pas si tous ces changements dans ma vie sont le résultat de la médication, d’un congé, des deux ou d’un ensemble de plusieurs facteurs. Une chose est certaine, laisser mon orgueil prendre le bord a été la meilleure décision que j’ai prise de ma vie et elle va me définir comme personne pour le reste de mes jours.

Maintenant, il se peut qu’au courant de votre vie vous passiez par le même chemin que j’ai emprunté et que vous vous sentiez brisé comme je l’étais. Où tout va sembler difficile. Où vous considérez qu’il n’y a pas de solutions et que la lumière au bout du tunnel est éteinte. Je ne suis pas ici pour vous promettre qu’aller chercher de l’aide va amener un résultat identique au mien. Je ne suis pas non plus en train de dire que la prise de médicaments temporaire, permanente ou intermittente soit une solution miracle, parce que tout le monde peut réagir différemment.

Le but de partager mon expérience est plutôt de vous sensibiliser. Vous faire réaliser qu’il n’y rien de mal à être vulnérable et à demander de l’aide. Le vrai danger est de laisser votre orgueil vous convaincre que la seule façon de vous en sortir est par vous-même. N’attendez pas de vous rendre malade ou malheureux pour demander de l’aide, et ce, même si ce n’est pas la première fois. Ne vous sentez pas mal de prendre une pause et du recul. Prenez le temps d’écouter votre corps et ne faites pas l’erreur de reporter le problème à plus tard. Rappelez-vous qu’il n’y aura jamais un meilleur moment que maintenant pour prendre soin de vous. Et que dans une vie parfois trop courte, vous méritez de vous réveiller à chaque matin avec un sentiment pour lequel aucune personne sur Terre ne devrait être privée: le bonheur.

“Tough You think you’ve got the stuff You’re telling me and anyone You’re hard enough.”

– Sometimes you can’t make it on your own – U2

 

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Ju. – Collaboration ponctuelle

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