«Oui, mais moi je n’ai pas faim le matin», c’est une excuse qui ne m’impressionne pas. Ça s’entraîne ces choses-là. Des années à l’entendre – moi-même, je l’ai déjà dite – et pourtant, ça m’entre dans une oreille et ça ressort de l’autre. Le matin, on déjeune. Point. Vous aurez beau m’objecter que vous faites un jeûne intermittent parce que vous désespérez de maigrir (et que c’est mieux pour la santé, bien sûr…), je vous répondrai que je n’ai jamais vu personne être à son meilleur le ventre vide. Et qu’au bout du compte, le jeûne intermittent, c’est toujours juste de sauter un repas; y’a rien de révolutionnaire là-dedans. N’essayez pas non plus de me mettre une livre de beurre dans votre café et d’appeler ça un déjeuner. Ça va faire le niaisage. Idem pour un jus vert, du jus de kale c’est même pas aussi nutritif que du kale, qui n’est pas si nutritif en soi. Arrêtez de suivre des maudits régimes tous plus débiles les uns que les autres, ce qu’il faut, c’est déjeuner.
Et pour mes compères malades ou dépressifs, vous, mes chers, allez-y: mangez un bol de Lucky Charms si ça vous plaît. Des grosses céréales dégueu ou des Pop Tarts, n’importe quoi, mangez n’importe quoi, mais mangez. Je comprends que ça ne vous tente pas. Mais ça s’entraîne ces choses-là.
Vous ne me ferez jamais autant chier que ceux qui se privent arbitrairement parce qu’ils ne sont pas conscients de leur privilège d’être sains et en santé. Et non, ce n’est pas d’être végane ou paléo qui vous rend sains et en santé: c’est essentiellement parce que vous avez gagné à la loterie de la génétique. J’ai de la difficulté à comprendre, moi, cœliaque, intolérante au lactose, fructose et sorbitol, qui jongle avec des grammes et des listes d’ingrédients à longueur de journée, j’ai de la misère à comprendre qu’on puisse volontairement s’imposer des restrictions bidons juste pour ensuite juger tous ceux qui ne font pas comme nous. On se sent tellement bien, avec son jus de betterave obtenu par extraction lente, sa salade de quinoa au sel rose de l’Himalaya, son ost* de f*cking kale et ses patates douces. Ses éternelles patates douces. On se sent tellement bien, quand on peut regarder le monde de haut et se sentir tellement, tellement supérieurs. Et moi, si je pouvais manger un cheeseburger au bacon, je mangerais un cheeseburger au bacon. Et j’enjoins tous mes comparses de dépression à le faire.
Loin de moi l’idée de vous faire la morale, mes braves. Si le bol d’avoine découpée à grains entiers ne vous tente pas, le pouding de chia ou je ne sais quelle autre horreur que les lifestyle gurus essaient de vous vendre sur Instagram, je ne vous blâme pas. Le corps est une machine malade qui a besoin de carburant, qu’importe lequel, tant qu’on l’alimente. Faut le tenir sous respirateur artificiel. On en est là, on en est à survivre. Quand vous irez mieux, quand la seule idée de mélanger deux ou trois ingrédients et de peut-être partir le four ne vous épuisera plus, on en reparlera. On se questionnera sur notre apport en antioxydants et en oméga-3 et on aura l’impression de faire partie de la gang. En attendant, j’ai vu à l’épicerie qu’ils vendaient des Pop Tarts biologiques: aucunement meilleurs pour la santé, mais vous pourrez regarder les autres dépressifs d’un air hautain. Vous voyez, vous faites déjà un peu partie de la gang!
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VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 1 – METTRE LE PIED À TERRE
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 2 – FAIRE LE CAFÉ
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 3 – LIRE LE JOURNAL
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 4 – PRENDRE SA DOUCHE
Pour lire la suite :
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 6 – METTRE SON MANTEAU
Vivre avec la dépression – Chapitre 7 – Franchir le cadre de porte
LdT.
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