10% Amérindienne, 20% Espagnole, 50% Irlandaise et 20% Française. Voici mes origines. Pourtant, je vous assure, je suis née au Québec, j’ai la peau tellement blanche qu’elle est presque transparente, je parle français et je vis sur le calendrier chrétien. Une vraie Québécoise dans ma culture, mais peut-être pas dans mon sang et dans l’histoire de mes ancêtres.
Au fait, c’est quoi une pure Québécoise? Si je suis née ici, ça fait bien de moi une vraie, non? Si j’y réfléchis un peu, est-ce que je mérite le droit de dire qu’ici c’est chez moi et de m’approprier ce territoire sous le seul prétexte que j’y suis née? Parce qu’en fait, il n’y a que 10 % de mes origines qui viennent de ce petit coin de pays et le reste eh bien il vient de l’Europe. Laissez-moi vous raconter une petite histoire.
Il y a 567 ans, l’empire romain d’Orient s’est fait envahir par les Turcs. C’est alors la chute de Constantinople. Les survivants chrétiens sont expatriés en Italie vers leurs confrères, mais se voient maintenant le terrain barré pour leurs voyages en Inde par leurs nouveaux ennemis les Ottomans musulmans. Les grands voyageurs de l’Occident, qui veulent se rendre en Asie, n’ont plus accès au chemin emprunté auparavant et c’est alors qu’ils commencent les grandes explorations pour découvrir un nouveau chemin vers l’Inde!
Vous connaissez bien cette histoire, puisque c’est ici que Christophe Colomb découvre l’Amérique en 1492. Je ne suis pas une experte en histoire, mais c’est ce que nous avons tous appris à l’école. Seulement, avec mon jugement d’aujourd’hui, je sais très bien que l’Amérique était déjà bien peuplée par les Amérindiens et que le terme «découverte» est purement de l’eurocentrisme.
Bref, de là débute une longue chaîne d’évènements et de trahisons. Les Européens sont revenus, ont fait de la traite avec les Amérindiens de partout en Amérique et ont même fait des alliances. Leur belle amitié s’est vite transformée et la colonisation européenne a été tragique pour les différents peuples amérindiens. Après avoir été réduits à l’esclavage, chassés de leurs territoires à cause d’épidémies apportées par les colons, ils ont vu disparaître leur mode de vie, leur organisation sociale, leur architecture urbaine et peu à peu, beaucoup de leurs peuples… Cette petite histoire raconte 90% de mes origines et est celle de beaucoup d’autres caucasiens. Pourtant, je ne me vois jamais dire : «Retourne chez toi!».
Au final, moi aussi je suis une immigrante et sûrement au même titre que toi. En fait, il y a beaucoup de chances, puisqu’aujourd’hui, les Amérindiens ne représentent que 4.9 % de la population canadienne. Les Européens se sont approprié un territoire magnifique il y a plus de 500 ans et j’ai la chance d’y être née. Mon sang s’est formé avec beaucoup d’histoires d’amour, mais aussi avec de belles opportunités, un soupçon de trahison et de chance. Je n’oublierai jamais, que chez moi ce n’est pas au Québec, mais sur la Terre au même titre que tous les êtres vivants.
À lire aussi: Partir pour mieux revenir
L.-J.