Jour 10
Mon copain est fanatique des arbres, de la nature. Je ne sais pas trop où il m’emmène, mais il me dit: «Mets tes souliers, on ne s’en va pas loin». Je comprends maintenant qu’avec lui 30 minutes deviennent des heures, mais à ce moment, je ne le savais pas. On n’a pas d’eau, j’ai un jumpsuit, qui n’est certainement pas un habit de marche! On part dans ce que j’appelle cette jungle, cette forêt. Il fait chaud, mais ce n’est pas humide. On est bien.
On marche, vers les montagnes. Je remarque des maisons, de plus en plus éloignées, de plus en plus pauvres. L’accès à l’eau ne doit pas être évident d’ici. Autant l’eau potable que l’eau pour se rafraîchir. On marche.
On tombe sur une petite route de roches où il y a quelques maisons. Des petits enfants jouent dans la cour, un garçon de 3 ans, je dirais et une petite sœur, 18 mois? Ils nous regardent avec un visage illuminé. Nous semblons être les premières personnes blanches qu’ils voient. Ils nous suivent, courent derrière nous, veulent nous parler. À ce moment, j’ai l’impression d’être une extra-terrestre, un sujet d’observation. La petite veut me prendre par la main. Un sentiment de curiosité, mais également de pitié semble sortir d’elle. Lorsque nous sommes loin de leur maison, ils s’arrêtent, nous disent au revoir (par signe) et retournent vers leur bercail, où personne ne semble avoir remarqué leur absence.
On continue. Je me replace, on arrive près de la grande route. Mais jusqu’où allons-nous? Les voitures roulent vite, très vite. Ce n’est pas à eux de faire attention, c’est à nous. Il faut également regarder où l’on met nos pieds, la route s’affaisse à plusieurs endroits. On traverse de bord en bord la rue selon la sécurité. Mon copain se questionne: avons-nous passé tout droit? Je réalise qu’il ne sait pas trop où on va. Mais il veut vraiment, vraiment me montrer cet arbre.
On finit par arriver dans la ville voisine. Où l’on recommence à monter dans la jungle. Puis, on y arrive. Un arbre, un gigantesque arbre. L’arbre Mapoo. Un des plus gros aux mondes. À ses pieds, se trouve une source d’eau. Une source d’eau potable où de nombreuses personnes marchent des kilomètres pour venir s’approvisionner. J’ai toujours apprécié la nature. Mais aujourd’hui, je la regarde d’un tout autre angle. L’émotion. Ressentir une émotion face à la vue de cette splendeur. On reprend notre chemin du retour, mais ce 4h en aura valu la peine et je m’en souviendrai toujours.
Jour 11
Je n’avais pas porté attention avant, mais il n’y a tout simplement pas de panneau de stop, de vitesse, d’indicatif quelconque. La route est un céder le passage. Je le sais, parce qu’aujourd’hui nous sommes partis en Jeep voir le Marché en haut, la même route que l’arbre Mapoo, mais beaucoup plus rapide aujourd’hui. Rendu tout en haut, on doit poursuivre à pied. Les sentiers sont trop étroits et raboteux. Malheureusement, le Marché est fermé.
On en profite pour monter tout en haut des montagnes. Le Mont-Tapion. D’ici, on voit au dessus des nuages, il fait frais. On a la vue sur le monde, le bleu de l’océan au loin. Le vert des montagnes. Il y a une serre qui est en train d’être créée. L’autosuffisance. Malgré le sol rocailleux, on tente d‘y faire pousser de quoi pour s’auto-suffire, un jardin communautaire.
Depuis mon arrivée je lis beaucoup et j’écris beaucoup. Les paroles s’envolent, les paroles restent en vie. Je ne crois pas qu’une personne peut faire changer les choses. Mais si on pense tous comme ça, rien ne changera. Je porte sur Haïti un regard de compassion, plein d’espoir. Différent d’à mon arrivée. Je suis installée au bord de l’eau, avec mon livre. Une musique lointaine, venant de l’hôtel un peu plus loin, aussi vide. Il y a encore quelques travailleurs à l’auberge. Aucun client aujourd’hui. Et pour la 100ème fois cette semaine, j’ai la même pensée. Celle que je me plairais bien à vivre ici. À enseigner? Pourquoi pas! Je ne déteste pas l’hiver. Mais nos emplois nous permettraient de passer quelques mois ici l’hiver. C’est une pensée qui me fait sourire.
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R.
Source photo: Roselyne Malo-Harel