Quand j’ai su que j’étais malade (pour ceux qui ont pas suivi, j’ai la sclérose en plaques), j’ai souvent dit, à la blague à mes parents, qu’ils auraient pu s’appliquer quand ils m’ont conçue. Y’a pas à croire, je suis surement le résultat d’une tite vite! T’sais, quand la job est bien faite, y devrait pas manquer des morceaux, dans ma tite tête! Mes parents m’ont pourtant assuré que tout avait été fait dans les règles de l’art. Un moment d’amour parfait pour faire une petite fille «parfaite»!!
On apprend à vivre avec un tel diagnostic. On apprend à cohabiter avec les symptômes qui s’y greffent. Pas le choix. C’est ça ou on braille pour le reste de sa vie. Dans mon cas, y’a ce qu’on appelle de la dystonie qui s’est ajoutée à tout ça. Une main qui bouge toute seule, la mâchoire mache dans le vide, parfois de la bave qui coule comme si on perçait des dents… C’était normal, pour moi et pour mes proches. On savait que ça pouvait arriver n’importe quand et en général, ça partait comme c’était arrivé. Point. Barre. Le neuro l’avait confirmé, des médicaments devaient gérer le tout… En fait, c’est ce que je pensais, jusqu’à ce soir du 30 janvier dernier.
Les spasmes ont commencé. Comme d’habitude. La main, la mâchoire, la normale. Ça y était, je disais souvent que c’était ça qui se passait quand les plaques se touchaient… fuckée dans la tête! Les décharges électriques ont augmenté. Elles faisaient mal. Toute la moitié droite de mon corps était incontrôlable. Comme si j’étais possédée par des éclairs électriques. J’étais seule chez un ami qui était sorti et j’étais incapable de prendre mon téléphone. Deux heures plus tard, quand il est entré dans la maison, je lui ai demandé 4 choses. 1- J’ai besoin d’aide. 2- Donne-moi ma médication. 3- Déshabille-moi (y’a pas d’Ironman qui fait suer comme ça… Mes genoux dégoutaient quand il a retiré mes jeans). J’étais encore certaine, à ce moment, que ça allait passer… mais finalement… 4- Peux-tu appeler l’ambulance, s’il-te-plaît…? Même fuckée dans ma tête, je suis restée polie… pas si pire.
Ensuite? Je sais pas! Je sais plus. Tout est flou. Je vois l’ambulancier se pencher sur moi et me dire: «On va te mettre un masque pour t’aider à respirer». Là, il s’est passé quelque chose. Je sais pas quoi. J’ai senti mon corps basculer vers la gauche, tout s’est brouillé. L’instant d’une décharge électrique… Une milliseconde, sûrement. À ce moment précis, je me suis dit: « a y est Marie, c’est la fin. Tu es en train de mourir. C’est comme ça que ça finit». Pis plus rien. Le vide. Le néant. Le trou noir.
J’ai entendu l’ambulancier me dire que j’allais entendre des sirènes parce qu’on arrivait au pont. Point. Barre. Je l’ai peut-être rêvé, aussi. J’ai perdu la notion du temps. En vrai, il y a un trou de presque 24 heures dans ma vie. Quand je suis revenue à moi (trous de mémoire en abondance), j’avais les quatre dents du bas inclinées à 45 degrés, les deux palettes ébréchées, les gencives aussi enflées que si je m’étais amusée à ronger un suçon en acier. La crise a été tellement intense que je me suis déplacé et brisé les dents. J’avais mal dans tous les recoins de mon corps et je ne me rappelais plus de rien. Fuckée ben raide dans la tête!!!
On est deux semaines plus tard. Je ne sais pas avec certitude ce qui s’est passé. J’ai même pas pensé demander aux médecins de l’urgence de m’expliquer. Bon, ils l’ont surement fait, mais je m’en rappelle pas. Un médecin a dit à l’ami qui m’accompagnait que c’était une crise d’épilepsie. Alors, il me reste à passer une série de tests, pour savoir ce qui s’est passé ce fameux 30 janvier.
D’ici là, je n’ai plus le droit de conduire, pour 6 mois. Et pour une des rares fois de ma vie, j’ai peur. J’ai vraiment peur. J’ai peur de revivre une crise comme celle-là. Parce que ça m’a terrorisée. Parce que même quatorze jours plus tard, j’ai des trous de mémoire. Parce que j’ai vraiment cru que je mourais. Parce que, fidèle à moi-même, j’ai lu tout ce qui est à lire sur cette maladie et ça fait peur. J’ai peur aussi parce que j’ai fait peur à ceux qui m’aiment. Je ne voudrais jamais leur faire revivre ça, tout autant que je ne veux plus le vivre.
Aligner ces mots m’a demandé un effort épouvantable. Je suis vidée à la moindre petite activité. Moi, qui avais réussi à passer par-dessus le fait que des plaques se développaient dans mon cerveau, je dois maintenant jongler avec le fait que mes neurones ont décidés de s’éclater et de faire le party avec leurs voisines les plaques. Ouep, y’a pas à dire, je suis fuckée dans la tête, en pas pour rire. Je vais donc prendre une pause d’écriture, le temps de mettre l’ordre dans cette boom cérébrale. Y’a des indésirables qui ont décidé de fait un open house dans ma tête, mais y ont juste oublié que le boss, c’est moi!
M.-C.