À cause de toi, j’ai peur dans l’noir.
Y’a 5 ans, tu m’as accostée 2 fois. Ben assis dans ton char, en plein jour, un samedi! Tu roulais à 2 kilomètres à l’heure pour me suivre à pieds. Pis tu m’as parlé les deux fois de la même façon: «hey princess».
Ta voix, ton accent, je vais te reconnaître toute ma vie.
La première fois, je t’ai ignoré. La deuxième, tu as vu où je restais pis je t’ai demandé d’arrêter, mais tu as continué à me suivre jusqu’à l’arrêt d’autobus.
À cause de toi, je me suis acheté un char. Parce que j’avais peur de marcher toute seule dans les rues, dans mon quartier pis même sur ma rue. J’avais peur de marcher seule dans le jour, le soir et quand il faisait noir.
J’étais bien pas de char, t’sais. J’étais bien avec le transport en commun pour faire mes affaires. Je faisais un geste environnemental, pis ça me coûtait pas 20 000$, tu comprends? Mais l’idée de marcher jusqu’à l’arrêt me faisait maintenant faire de l’angoisse parce que je ne savais jamais quand tu allais revenir.
À cause de toi, j’ai peur quand les gens m’accostent dans la rue pour me demander leur chemin.
J’étais déjà craintive de dormir seule dans mon appartement quand mon mien n’était pas là. Mais avec les années, j’avais gagné de la confiance. Je me sentais mieux quand j’étais seule à la maison. Je me sentais en sécurité.
Y’a 5 ans, tu as tout brisé ça. J’ai dû recommencer tout ça. J’avais peur dans le jour d’être seule à la maison. J’avais peur que tu défonces ma porte pis que tu entres chez moi. Des journées de congé seule à la maison, ça ne se pouvait pas. La laveuse faisait trop de bruit, je ne t’entendrais pas rentrer. J’écoutais la télévision avec le son au minimum pour pouvoir tout entendre dans la maison. Dormir seule les 2 premières années? Impossible. J’ai dû tout recommencer.
J’ai de la chance, dans cette situation… ce n’est pas allé plus loin. Je n’ai pas été victime d’agression physique comme telle de ta part alors que bien des femmes n’ont pas cette chance. Ça marque ces affaires-là. Même si j’ai pas la pire des histoires. Je change de trottoir quand je suis seule et je croise quelqu’un. J’aime pas ça.
Fais pas ça… suivre une fille en char man… même si tu n’as pas de mauvaises intentions… si tu savais comment on se sent impuissante. L’envie de pipi de nervosité nous pogne pis on partirait à courir. On a pas envie de s’arrêter, de te regarder et de te dire: «Hey salut! Merci de m’appeler ta princesse, je me sens si bien depuis que tu es là!»… pas pantoute.
Je sais que les paramètres de drague se compliquent en 2019 pour toi, buddy. Vraiment. Je me doute que tu trouves ça ben rushant pis angoissant même probablement.
Mais suivre une fille à pieds, pendant que toi t’es en char… c’est juste jamais une bonne idée.
Parce qu’à cause de toi… elle aura peur de marcher dans le noir.
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MB.
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