J’ai le souvenir de moi à 13 ans, petite fille et toute menue, particulièrement délicate et fine. Je pesais 60 lbs et j’étais la plus mince de ma classe. Ce souvenir m’a marqué, car je me rappelle que mes camarades de classe m’écœuraient tous les jours et qu’ils m’appelaient la planche de plywood. Les adultes, eux, me disaient de ne pas m’en faire, que mes amis étaient jaloux et que plus tard, ils allaient m’envier. Par contre, en vieillissant, je me suis vite rendu compte que d’être mince n’était pas quelque chose de bien vu en soi. Laissez-moi vous faire visiter mon jardin personnel.
Encore aujourd’hui, à 32 ans et 3 enfants, je réussis tant bien que mal à peser 100 lbs. Avec mes 5p7, je suis très consciente que les gens peuvent penser que je suis anorexique, mais non, je ne le suis pas! Je mange pour vivre et je ne vis pas pour manger, je suis hyper active et souvent stressée, j’ai mille projets en même temps et mon métabolisme est fait comme ça. That’s it!
Souvent, on parle des personnes qui vivent en surpoids et qui ont de la difficulté à maigrir. Mais l’inverse existe aussi et c’est une réalité tout aussi difficile que beaucoup de personnes ne saisissent pas. Il faut faire attention aux remarques que l’on fait vis-à-vis les personnes minces, elles ne sont pas forcément anorexiques, ni même au régime. Être mince engendre son lot de problèmes d’acceptation de soi.
Pour ma part, mes seins sont mon plus gros complexe. J’ai toujours voulu qu’ils soient plus gros et l’allaitement a complètement fait disparaître le petit bonnet A que je faisais à mes 20 ans. J’ai aussi toujours souhaité remplir le décolleté d’une jolie robe et me sentir femme. Femme, parce que quand on a peine à remplir une paire de leggings, on trouve forcément qu’on ressemble à une petite fille. J’ai mes confrontations, au même titre que quelqu’un qui désire perdre 10 lbs pour voir disparaître un bourrelet mal placé et se sentir bien dans son corps.
Malheureusement, il y a comme un standard de société qui fait que les filles minces n’ont pas le droit de se plaindre, parce qu’elles sont minces et que si on le fait, la première réplique à laquelle nous avons droit c’est: «Ne te plains pas, tu es mince toi, tout te fait bien, tu n’en as pas de problème!»
Mais j’aimerais que tu connaisses la réalité, notre réalité… Pendant que les tailles de vêtements s’agrandissent pour donner l’impression aux femmes plus rondes qu’elles sont normales, d’autres femmes comme moi n’arrivent plus à se sentir à l’aise avec leur corps. On ne se sent plus conformes, car la plus petite taille ne nous va plus. La cerise, c’est qu’on se fait dire de manger plus et de prendre son mal en patience en s’habillant dans le rayon junior, comme si c’était nous le problème.
Pendant que les revues de mode repassent leurs normes de beauté en retirant les femmes trop minces de leurs pages et qu’il devient populaire d’affirmer que c’est laid de voir des côtes, que ce n’est pas santé, ni normal, on oublie que les femmes minces font aussi partie de la réalité. Ces commentaires blessent. Ils sont gratuits et n’aident pas du tout à accepter sa minceur et se sentir normale.
Et, j’ai envie d’ajouter que ce n’est pas parce qu’une personne est mince qu’elle est nécessairement heureuse et bien dans sa peau. Décliner de la nourriture parce qu’on n’a pas trop faim ne devrait pas mériter un regard de mépris. Il n’est pas rare qu’on me demande si je suis au régime ou si je suis malade et ce, même si je mange. Vous vous en rendez compte? C’est comme si vous disiez à quelqu’un qui fait de l’embonpoint: «Es-tu à la diète? Es-tu malade? Tu devrais manger moins.». On pointe du doigt les gens qui font ces propos-là. C’est irrespectueux et blessant, mais quand on est mince, on y a droit.
Comment il peut être permis de se faire dire qu’on est trop mince, mais que ce n’est pas acceptable de dire à quelqu’un qu’il doit perdre du poids? Comment on peut enseigner aux femmes d’aimer leurs bourrelets, de les accepter, mais qu’on n’enseigne tout simplement pas aux jeunes filles de s’aimer entièrement comme elles sont? Parce que des filles maigres, il y en a et elles sont normales! Je suis normale! Nous ne sommes pas tous anorexiques.
L.-J.