Il y a quelques années, j’ai eu envie de me maquiller. Je sortais au théâtre et ça me semblait une bonne occasion de faire un peu différent. Comme ça n’a jamais été mon truc, le maquillage, et que je ne savais pas trop où commencer, j’ai fait ce que n’importe quel adulte normalement constitué fait au XXIe siècle: j’ai consulté un tutoriel sur YouTube. Quelle erreur! Moi, j’avais un duo d’ombres à paupières, un mascara et un crayon pour les yeux. Je devais avoir un vieux fond de teint que je traînais depuis des années et non pas un, mais deux blushs. Oui, madame!
Je voulais un truc simple, comme à l’époque où je lisais le Filles d’Aujourd’hui, vous savez, qu’on m’explique où appliquer quoi et comment. Mais ça n’est pas ce qui s’est passé.
D’abord, il me fallait un primer (une «base» en français, mais tout ce que j’écoute est en anglais, alors gardons ce vocable si vous le voulez bien). Je n’avais pas de primer. Je ne savais pas ce que c’était qu’un primer et je me suis tout de suite sentie déstabilisée. Des primers, il y en a des dizaines et ils ont tous un fini différent; moi, je ne pensais pas me lancer dans des travaux de rénovation, je voulais vraiment juste être un peu cute pour aller au théâtre. Y’a des primers qui illuminent, d’autres qui matifient, qui comblent les pores (wtf???), qui floutent (celui-là ils l’ont inventé, j’y crois pas), qui font mieux tenir le maquillage ou qui hydratent. Et je vous apprendrai qu’il faut non seulement un primer pour le visage, mais qu’il me faut un primer différent pour les paupières, parce qu’on ne veut pas des paupières illuminées, sans pores, mattes, floutées et hydratées, non madame! Les paupières sont un monde à part sur la carte géographique de notre visage. Ça fait donc deux primers, et je rappelle que je n’en ai aucun.
Et ça, ce n’est que la première étape du maquillage. Pour chaque étape, c’est la même chose: pour les sourcils, il faut un crayon, une pommade et un gel, mais certaines utilisent des poudres aussi. Moi, mes sourcils, ils sont étrangement déjà dans ma face et je ne vois aucun intérêt à m’en rajouter d’autres. J’ai eu la chance de ne pas m’épiler les sourcils à outrance au début des années 2000 – je n’étais pas assez cool pour ça – alors ils sont encore tous là, tous mes deux sourcils.
Il faut, bien entendu, un fond de teint. Ça, je m’y attendais. Mais ensuite, ces YouTubeuses se couvrent la moitié de la face avec du cache-cernes! C’est pas des blagues, messieurs-dames, elles appliquent le cache-cernes des yeux jusqu’au bas du nez! Personne, personne au monde, même pas le nouveau parent en fin de session, personne n’a autant de cernes. Et ça continue: il faut un contour et un bronzeur, un illuminateur et rapidement, moi qui me trouvais cool avec mes deux blushs, je me rends compte que je n’ai réellement aucune idée de ce qui se passe. Comment ces filles-là font pour se mettre tant de stock dans la face? Parce que tout ça, c’est pour la même face, c’est pas comme si l’une mettait son bronzeur et l’autre son fard à joues… ah non, elles utilisent tout ça en même temps!
Donc, cette soirée-là, je décide de mettre YouTube de côté et de simplement sortir au théâtre, mais ce n’est que partie remise: au cours des jours qui ont suivi, j’ai étudié attentivement ce qui forme la «Beauty Community» sur YouTube. Je vous l’avoue: je m’y suis fait prendre. J’en ai acheté, des primers et des contours, des setting sprays et des poudres de finition. Ça m’a coûté une beurrée. Une beurrée de primers dans la face, monsieur. Je regardais les collections de maquillage de ces filles et je ne comprenais pas la quantité absolument obscène de maquillage qu’elles possédaient. Et les milliers de dollars qu’elles entreposaient dans ces fameux tiroirs Alex d’Ikea qui se retrouvent immanquablement dans chaque vidéo. Une obsession récurrente chez toutes était les palettes de fards à paupières, qu’elles pouvaient posséder par centaines. Alors j’ai acheté des palettes de fards à paupières. Modern Renaissance d’Anastasia Beverly Hills, quelqu’un?
Je vous dirais que ça n’a pas changé ma vie, mais ça a certainement fait un trou dans mon compte en banque. J’ai acheté tout ce qui me semblait essentiel, tout ce qu’on me disait être essentiel, tout ce qu’on me présentait comme révolutionnaire, magique, et pas une fois, pas une seule fois je me suis arrêtée pour me dire: «Mais Laurence, tu ne portes même pas de maquillage!».
Ça a été ma descente aux enfers. Un enfer plein de paillettes, de poudres de couleurs et de produits aux noms compliqués Mais n’ayez crainte, mesdames, je m’en suis sortie. Et ça, vous pourrez le lire dans le prochain épisode!
LdT.
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