Dans mon entourage, tout le monde le sait depuis des années. Pour ma part, je ne sais pas si c’était de l’ignorance ou du déni, ou si je pensais que c’était seulement un trait de ma personnalité qui me permettait de me dépasser. J’ai un fond anxieux. Pas juste léger. Un solide fond anxieux.
Pourtant, j’ai été capable de fonctionner pendant une trentaine d’années sans jamais me douter que l’anxiété finirait par hypothéquer mon quotidien. J’ai longtemps été celle qui travaillait 60 heures et plus par semaine, tout en allant à l’école à temps plein. À tout cela s’est ajouté un enfant à temps plein, avec une vie sociale assez remplie et du temps de sommeil de qualité à en revendre. J’avais même le temps de faire le ménage et de cuisiner! Mais quelle femme performante j’étais!!! Wow! Toujours dans l’action, qui n’arrêtait jamais! Ouffff! Une femme essoufflée, oui! Par la force des choses, tout ce tourbillon est devenu mon mode de vie.
Et un beau jour, j’ai craqué! Mais doucement, insidieusement, comme un bris de pare-brise: d’abord un petit éclat, qui devient une fissure de part en part de la vitre… Ce ne fut pas une chute instantanée, mais plutôt une lente descente vers le quatrième sous-sol du stationnement. Je voyais mon niveau d’énergie décliner, mes nuits s’écourter, mes crises de panique et d’anxiété s’accélérer et devenir de moins en moins supportables. J’étais irritable, impatiente, facilement déconcentrée par le moindre son ou mouvement, toujours beaucoup trop attentive à ce qui se passait autour de moi. Je ressentais une fatigue difficile à décrire, beaucoup plus intense que la fatigue du manque de sommeil… Je ne me levais jamais reposée, réveillée à maintes reprises par des cauchemars et des crises de panique en pleine nuit.
Mes heures étant diminuées depuis plusieurs mois au travail, et grâce aux conseils de mon entourage qui me voyait m’engloutir, j’ai finalement pris la décision de me faire sortir en maladie par mon médecin. J’allais enfin pouvoir me reposer, reprendre le contrôle sur ma vie.
C’était il y a quelques mois. Je sors à peine la tête de l’eau. Je me retrouve, je reprends goût à tout ce que j’aimais, lentement. Mais sans l’énergie d’avant. Anxieuse, je le suis comme jamais!
Mais surtout, je suis en deuil. En deuil de la personne que j’étais et que j’ai apprécié être pendant toutes ces années. En deuil de celle à qui je me compare sans arrêt, en me disant que c’est impossible que tout soit si différent maintenant… En deuil de mes anciennes limites, qui étaient pratiquement inatteignables. Épuisée de me voir ainsi épuisée après une brassée de serviettes et la réflexion pour le choix du souper. Découragée de devoir prendre une pause à toutes les deux pages de lecture parce que mon cerveau ne comprend plus rien. Coupable de m’emporter beaucoup trop facilement contre mon enfant, parce qu’il fait partie des variables que je ne contrôle pas et ça m’insécurise horriblement. Honteuse de pleurer si facilement quand j’ai l’impression que la situation m’échappe ou quand je ne suis pas préparée à un changement d’horaire, aussi minime soit-il…
Toutes ces années, j’ai été en totale maîtrise de mon environnement immédiat. Parce que j’avais BESOIN de cette stabilité et du sentiment de contrôle sur ma vie que j’éprouvais. C’est si rassurant, de savoir à quoi s’en tenir exactement! Mais comment je pouvais savoir que c’était l’anxiété qui me rendait ainsi? Je me voyais comme une femme performante et impliquée, perfectionniste, qui a toujours mille et un projets menés de front, qui est disponible pour tout le monde, tout le temps. J’appréciais particulièrement le fait d’être capable de m’adapter à toutes les situations, de réfléchir et analyser rapidement, de chercher des solutions et des aménagements afin que tout cela demeure comme c’était.
Bref, l’anxiété m’a finalement dominée et m’a obligée à mettre un genou par terre: je suis une femme, qui a seulement 24 heures dans sa journée et qui doit accepter que tout ne peut pas être parfait. L’anxiété m’oblige à faire un immense travail d’acceptation et de lâcher prise… Ben oui! Lâcher prise!!! C’est comme demander à un non-voyant de se promener sans sa canne!!! Pas facile, pas facile… mais réalisable! Lentement, mais sûrement… «T’as juste à lâcher prise et ça va passer…» Je ne me souviens plus qui me l’a dit, mais je commence à penser que cette personne a peut-être raison…
Sab.
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[…] Mais l’être humain n’est pas biologiquement programmé pour l’hibernation, malheureusement pour moi… J’en conviens, ce n’est pas la solution idéale, et encore moins la plus réaliste! Alors j’essaie de me recentrer sur ce qui m’allume habituellement, faire des activités qui me font sentir bien (comme dormir! Hahaha!), me brancher sur mon entourage et mon fils! Essayer de trouver le positif en toutes choses; encore un autre bel exercice que j’ai tenté en début d’année! OK! Je l’avoue: j’ai encore besoin d’énormément de pratique! Ça ne vient pas tout seul, surtout pour quelqu’un qui se scénarise toutes les versions probables et moins possibles de toutes les catastr…… ! […]