J’ai remarqué depuis plusieurs mois que les termes pervers narcissiques revenaient sans arrêt. Que ce soit sur les pages Facebook que je suis, dans des articles pseudo-scientifiques que je lis, sur des pages de développement personnel que je sillonne, dans les blogues que je parcours… ils semblent être partout, partout, PARTOUT!!!
Avec le recul, j’ai réalisé que j’ai déjà eu ce genre de personnes dans ma vie. Mais je croyais que c’était de simples manipulateurs. Heureusement pour moi, j’ai fini par leur retirer leur place auprès de moi. Mais avant de le faire, j’avais déjà subi les affres de ces nuisances sur deux pattes…
Je vais donc vous présenter l’exemple type du manipulateur: assoiffé d’assouvir son pouvoir sur son entourage, convaincu d’être le summum de la race humaine, incompris de tous et si seul au sommet, exploitant et utilisant ses relations interpersonnelles comme des objets dans le seul et unique but de parvenir à ses fins, pensant que tout lui est dû, que tous l’envient pour sa perfection, que tous l’admirent lorsqu’il les regarde de haut.
Je n’y vais pas de main morte dans cette description; celui dont je m’apprête à vous raconter le bref passage dans mon univers est, et de très loin, le pire homme que j’ai connu de ma vie! D’abord, son histoire est rocambolesque: tout, tout, tout lui est arrivé! Et bien entendu, rien n’est sa faute! Pauvre lui! J’ai facilement éprouvé de l’empathie pour lui; puisque je travaille dans le domaine des services sociaux, j’avais des connaissances à divers niveaux qui pouvaient me permettre de comprendre les nombreuses procédures dans lesquelles il était emporté malgré lui…
Il m’a rapidement intégrée à sa dynamique familiale, il insistait pour que je reste chez lui lors de mes congés à attendre son retour du travail, me faisait d’innombrables cadeaux, m’emmenait en fins de semaine de détente. Tout pour m’attendrir, me convaincre de son exceptionnel bon vouloir, de sa gentillesse… Bien entendu, il réussissait à merveille! Le bon mot, au bon moment… Le toucher approprié en toutes circonstances…
Mais sa situation personnelle s’envenimait de jour en jour: mise en demeure de la conjointe précédente, plainte de harcèlement contre lui, négociation de la garde des enfants en cour, son employeur le suspendait parce qu’il avait un trop haut taux d’absentéisme, ses amis proches le laissaient tomber…
Il passait ses journées à «essayer de régler ses affaires» à grands coups de téléphone et courriels aux avocats, banquiers, courtiers d’assurances, vendeurs de voitures, tantes, anciens beaux-parents et amis pour rallier du monde à sa cause… il ne faisait rien de mal, jamais… Et il ne comprenais absolument pas pourquoi certains avaient l’audace de l’attaquer, lui! Il se positionnait en victime pour recueillir du capital de sympathie et, ma foi, il excellait là-dedans!
Moi, qui étais observatrice au départ, puis témoin, je suis devenue bien plus qu’un simple support moral: il m’a embarquée dans toutes ses histoires, insidieusement. En arguant que moi, qui suis si intelligente, je pouvais l’aider à mieux comprendre ce que l’avocate dirait lors de sa rencontre avec elle, alors je devais l’accompagner; sinon, ce serait ma faute s’il ne pouvait pas préparer sa défense adéquatement.
En argumentant que, moi qui suis une si bonne mère pour ma progéniture, j’intervenais beaucoup mieux que lui auprès de ses propres enfants, parce qu’il n’avait pas la patience avec tous les événements qui se bousculaient. Tout en me signifiant que ce serait à cause de moi si les enfants refusaient de laver leurs cheveux ou faisaient des crises, parce que je ne les appréciais pas autant que mon propre fils…
En disant que moi, qui suis si compréhensive, sensée et cohérente, j’étais la mieux placée pour expliquer à sa famille et ses amis à quel point il avait besoin de tout leur support. Si je ne le faisais pas, tous les gens autour lui tourneraient le dos par ma faute, parce que je n’aurais pas su démontrer à quel point il était parfait, débordant de qualités et de bonnes intentions pour tous ceux qui l’entouraient. Il avait tant besoin… et j’étais là, fidèle au poste, indéfectible, forte, douce, aveuglée et débâtie.
Et le jour est venu où c’était mon tour de demander sa présence et son amour: mais il me les a refusés! Il était trop occupé à gérer ce qui lui restait de vie, à se remplir les narines de joie éphémère, à pleurer dans les bras des barmaids chez qui il allait prendre un dernier verre après ces soirées «tranquilles» où je l’attendais sagement chez lui…
Il ne se gênait pas pour me faire sentir que je n’avais plus d’importance, maintenant que je n’avais plus l’énergie ni la force pour l’appuyer et l’aider… Il ne pouvait plus rien obtenir de moi. Mais c’était complètement ma faute: c’était moi qui avais changé, moi qui m’étais affaiblie, moi qui avais cessé de l’admirer, le soutenir et le consoler… Il m’a manipulée jusqu’à me saigner de presque toute mon énergie et ma confiance en moi.
À ce moment, je pensais avoir tout donné à cet homme égoïste, manipulateur, violent. En retour, je récoltais des preuves et des aveux d’adultères, des mensonges sur l’entièreté de son existence, une estime personnelle détruite, l’impression que mon monde s’écroulait encore. Comme j’en avais assez d’être ainsi traitée, j’ai rassemblé mes effets. Il n’a rien fait pour me retenir pendant que je ramassais ce qui m’appartenait: il m’a regardée comme si j’étais l’horrible personne qui le laisse tomber sans raison, comme s’il était ma victime! Et je suis devenue l’ennemie…
Bien entendu, il y a une foule de détails dont je n’ai pas parlé ici: il aurait fallu plusieurs textes pour dépeindre la réalité. Ces personnes sont toxiques, mais tellement adorables et charmantes en façade, que rien ne peut laisser présager qu’ils se transformeront en Gremlins tôt ou tard… Ce n’est donc pas parce que vous avez baissé votre garde qu’un pervers narcissique a réussi à entrer dans votre vie; c’est parce qu’il est excessivement doué dans l’art de duper, c’est le seul mode de fonctionnement qu’il connaît. Je pense qu’à différents degrés, presque tout le monde a eu quelqu’un comme ça dans son entourage… Mais ce n’est pas simple de s’en sauver, et il reste des séquelles que seul le temps peut aider à amoindrir.
Anonyme.
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