Maman, ce texte s’adresse à toi et à tous les jeunes qui ont été élevéS par des mères monoparentales…
17 ans. Ça, c’est l’âge ou ma mère a accouché de mon être vivant. C’est jeune, je sais. J’étais voulue et attendue. Mes parents étaient fiancés, ma mère mineure et mon père vendeur de drogue. Ce qui devait arriver, arriva… Incapable de subvenir aux besoins de sa famille, mon père est parti après l’ultimatum imposé par ma mère.
1 an et demi. Ça, c’est l’âge que j’avais quand ils se sont séparés. Ma mère a terminé son secondaire, puis est allée faire son D.E.C. en sciences humaines. Elle vivait sur les prêts et bourses et/ou sur le bien-être social.
Être jeune maman n’était pas chose facile. Beaucoup de pertes de patience, de chialage, de partenaires ici et là… Mais ma mère était une Super Woman. Du steak «mastiqueux», du baloney, du Kraft Dinner pis de la macédoine; le régime alimentaire d’une maman qui fait son gros possible.
Les matins où j’attendais mon père sur le bord de la porte avec mon petit sac-à-dos et qu’il n’arrivait finalement jamais. Les nombreuses maladies. Les réveils à 5h pour regarder la télé. Les nuits courtes à changer des draps. Les nombreux «MAMANNNNN?» quand elle parlait au téléphone. Les nombreux «non» à mes demandes de jouets, car on n’avait pas d’argent. La multitude de déménagements (j’ai 29 ans aujourd’hui et j’en suis rendue à 27 déménagements dans ma vie.). Le meurtre de mon père quand j’avais 9 ans et elle, elle en avait 25.
11 ans. Ça, c’est l’âge que j’avais lorsqu’elle a commencé sa technique en éducation spécialisée. Notre petit 4 ½ dans un HLM (habitations à loyers modiques). Il était petit, mais c’était chez nous. Les mêmes divans bleu marin avec des fleurs blanches qu’on traînait depuis le tout début. Les écorchures et les échardes ramassées en cours de route. On a toujours été là l’une pour l’autre. Les Gilmore Girls pouvaient aller se rhabiller.
12 ans. Ça, c’est l’âge que j’avais quand elle s’est mariée à un homme religieux et violent qui a été mon seul exemple masculin pendant huit ans. Ces années de mon adolescence où nous nous sommes éloignées et chicanées à maintes reprises. J’avais perdu ma mère, mon fort, ma lumière. Elle avait été remplacée par une femme rigide, malheureuse et chrétienne. Les pires années de ma vie. Oui, nous avions un style de vie différent et moins pauvre. On mangeait à notre faim pis on avait nos manteaux d’hiver à temps pour les grands froids, mais tout s’est écroulé.
15 ans. Ça, c’est l’âge que j’avais quand j’ai expérimenté ma première relation sexuelle avec mon premier chum. Deux semaines après, mes parents ont su et m’ont mis au pied du mur. Ma mère, ma moitié, m’a alors dit: «Tu me dégoûtes». Cri*s de pourriture de mari. Un gros lavage de cerveau pis ben des prières aux goûts amers pour souper.
20 ans. Ça, c’est l’âge que j’avais quand ils ont enfin divorcé. J’avais déjà perdu ma mère. Elle n’a jamais été la même depuis. Elle était en quête de se sentir en vie, et a commencé à la vivre pour elle. Elle seulement. J’étais majeure et j’avais mon propre appartement. Elle pouvait donc penser qu’à elle et couper le petit bout de cordon maternel qu’il lui restait. La corde, je la tenais toute seule. Elle avait toujours été là pour moi, est-ce que je pouvais me permettre de la culpabiliser? Non. Jamais. Ma maman a trop enduré et trop souvent, elle nageait avec la tête sous l’eau.
29 ans. Ça, c’est aujourd’hui. Le moment où j’écris ces lignes et probablement le moment où ma mère pleure en lisant ces lignes. Elle était jeune et amoureuse. Elle a décidé d’avoir un enfant et en a arraché pendant des années par la suite. Elle ne m’a jamais démontré ou dit qu’elle avait de la misère à arriver à la fin du mois. Je le ressentais, mais simplement parce que nous étions très proches.
J’aime ma maman. Je lui dois tout. Malgré l’enfance difficile et l’adolescence perdue, j’ai quand même bien réussi dans la vie. Elle m’a appris le respect, la politesse et la générosité. Elle a essayé de m’inculquer la valeur de l’argent, mais on ne peut pas tout avoir dans la vie…
À toutes les mères monoparentales, que vous ayez de la misère ou pas, que vous soyez dépassées ou non, je tiens à vous dire MERCI de votre grand courage et de vos petites attentions qui font toute la différence. MERCI de nous élever du mieux que vous pouvez. Une mère, ça fait son gros possible. Une mère a un cœur gros comme l’océan de son amour. MERCI, maman.
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