– Maman, mon texte qui va sortir le mois prochain, j’veux pas que tu le lises, OK?
– Ben voyons, pourquoi?
– Parce que je sais que ça va te faire de la peine.
– Pourquoi tu le publies d’abord?
– Parce que s’il peut aider quelqu’un à s’en sortir, juste une personne, mon histoire aura servi à quelque chose.
On était au secondaire, j’étais jeune et naïve. Déjà, il y avait des signes, mais je me disais: il est jeune et con, ça va passer. Il avait de gros problèmes familiaux, t’sais le genre d’histoire qu’on s’inspire pour écrire des films dramatiques. J’ai toujours dit que la différence entre lui et moi, c’était qu’il avait été élevé à grands coups d’insultes et que moi j’avais été élevée à grands coups de «je t’aime». Je lui ai juré que je ne le laisserais jamais tomber et que je ne le laisserais pas devenir comme ses parents. De fil en aiguille, les choses n’ont fait que s’envenimer et pour la première et dernière fois de ma vie, je n’ai pas pu tenir une promesse.
À mes yeux, c’était la personne qu’il me fallait, la personne sans qui je ne pouvais vivre. Je croyais l’aimer, mais en fait, j’étais sous son emprise comme une toxicomane. L’aiguille qui entre dans ton bras en laissant des bleus et des cicatrices sur ton corps et dans ton esprit, la drogue qui coule dans tes veines qui te fait croire que tout va bien, qu’elle te sauve, quand au final elle te t’affaiblit et te détruit à petit feu. C’était ça notre relation.
Peu importe ce que j’aurais pu recevoir par la tête, rien ne m’a fait plus mal que toute la violence psychologique avec laquelle il m’a frappée. Quand on dit violence, selon le Larousse, on parle de «Caractère de ce qui se manifeste, se produit ou produit ses effets avec une force intense, brutale et souvent destructrice(…)». Destructrice c’est le mot… J’ai perdu plusieurs amis, certains membres de ma famille et des emplois. J’ai perdu le peu de confiance que j’avais en moi, la confiance que j’accordais aux autres, l’estime que j’avais en moi et celle que j’accordais aux autres. J’ai perdu le plaisir de me faire approcher, toucher, regarder, j’ai perdu ma joie de vivre, mon humour, mon sourire, mes rêves, ma santé et les étoiles brillantes que j’avais dans les yeux. La seule lueur dans mes yeux était le reflet de mes larmes auxquelles j’avais interdit de couler parce que je savais qu’une fois le long de mes joues, rien n’aurait pus les arrêter.
Aucune menace, aucune violence, aucune insulte, aucun geste de manipulation ne pourra me faire regretter le jour où j’ai franchi la porte avec mon chien et mes bagages 13 ans plus tard. Rien ne me rendra plus fière que le premier Noël après ma séparation où un de mes oncles m’a regardée droit dans les yeux pour me féliciter et sans dire un mot, tout le reste de la famille s’est levée pour m’applaudir. Mon premier standing ovation n’arrivera jamais à la cheville de ceux du centre Bell.
À toi, qui vis une fraction de ce que j’ai raconté ou le triple, je te le dis, si j’ai été capable de le faire, tu peux toi aussi t’en sortir.
SOS violence conjugale 1-800-363-9010
http://fede.qc.ca/jai-besoin-daide
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Ch.
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