Avec le début d’été et les nouvelles annonces d’allégement des mesures sanitaires nous reviennent les premières fois: les activités qu’on prenait pour acquis, qu’on pratiquait machinalement sans trop réfléchir, qu’on évitait ou dont on ne mesurait pas la portée qu’on peut reprendre, tranquillement.
Je les savoure tant que je peux, une à la fois, comme dans la chanson Favorite Things de Julia Andrews, dans le film la Mélodie du bonheur.
Au premier soir de déconfinement, il faisait 8 degrés et on a, mon conjoint et moi, décidé d’aller manger en terrasse dans un resto qu’on aime beaucoup. Bien franchement, rien n’aurait pu nous empêcher de faire cette sortie. Fiston pourrait être seul à la maison (enfin) et nous pourrions en profiter.
Deux enfants devant le menu, incapables de choisir quoi boire, quoi manger. Chaque fois que le staff passait – des ami.e.s à mon chum – ça prenait un moment avant qu’on se quitte. Vous savez, des clients vraiment too much qui ne s’en vont jamais: c’était nous! J’ai mangé mon potage en claquant des dents et j’ai apprécié chaque seconde de ma soirée. Mon chum, cette bête sociale, irradiait de bonheur entre deux bouchées. J’ai pris la pleine mesure de ce qui lui avait manqué.
Le brunch manquait aussi à ma vie. Un matin de semaine, je suis allée rejoindre un couple d’amis à notre resto de déjeuners favori. On a mangé ensemble, séparés par un écran de plastique. On a fait un cheers quand même et on a bu trop de café, comme dans le temps. On était ravis de notre initiative spontanée et contents de retrouver les serveuses qu’on connaît depuis longtemps.
Intenses, on est retournés, mon fils, ma mère et moi, dans la même semaine. Ça faisait 16 mois qu’on ne s’était pas assis les 3 ensemble pour jaser. Tout ça, naturellement. C’est rafraîchissant de pouvoir faire une activité dans jongler avec le couvre-feu ou la culpabilité de la faire quand même alors qu’on dépasse un peu les règles.
Aller me baigner chez des amis et m’amuser avec leurs kids dans l’eau, à distance. Aider le plus jeune à mettre son dispositif de flottaison et en profiter pour regarder ses petits traits fins dans le soleil. Qu’est-ce qu’il a changé dans la dernière année!
Voir mon fils que je viens d’aller reconduire marcher avec son ami dans le rétroviseur, en grande conversation, le masque au menton, à se jaser de leurs vies nouvelles au secondaire. Savoir qu’ils sont allés «chiller» dans notre petit centre-ville, libres et juste contents, avec une sloche et un sac de bonbons. Le bonheur tout simple.
Envisager de faire des cours en présentiel, de rencontrer les gens avec qui je bouge virtuellement depuis l’automne dernier, dont je vois juste les noms dans le clavardage de l’application, mais jamais les visages, si je finis par me dégêner.
Suivre mon chum et mon fils qui recevront leurs ceintures de karaté en présence, avec leurs groupes respectifs – en vrai ! – cette fois-ci.
Arrêter chez une amie après le souper et jaser sur sa terrasse en contemplant ses nouveaux aménagements. Marcher plus tard en soirée et profiter du ciel sans considération pour l’heure de rentrée.
Penser à des vacances qui auront lieu, alors que nos escapades du printemps ont été annulées 2 années consécutives et avoir des attentes toutes simples: de l’eau, un rond de feu, des cannes à pêche.
Retrouver des amis dont on n’avait pas eu de nouvelles depuis longtemps qui se manifestent pour un get together. Avoir très hâte de les retrouver tout prochainement, quand leurs régions le permettront. L’anticipation et l’organisation de ces soirées me remplissent de bonheur.
Avoir moins hâte d’en retrouver certains, dont on s’est éloignés pour des questions de points de vue idéologiques. Trouver ça difficile de passer par-dessus ces divergences d’opinion et de valeurs qui mettent à jour un côté de leur personne qui nous plaît moins. Avoir peur que cela ne revienne jamais comme avant et que, sans doute, ça soit réciproque.
Se réjouir que la majorité de mon entourage se soit fait vacciner. Craindre la petite poignée de ceux qui ne le sont pas, pas parce qu’ils ne sont pas vaccinés, mais parce que l’envie d’en débattre n’est pas là. Marre des divisions et de la polarisation.
Voir des bébés qui sont nés en pandémie pour la première fois.
Accueillir positivement l’intention que chacun et chacune met dans son déconfinement, à sa vitesse. Jongler avec les ami.e.s qui sont moins confortables avec le resto sur leurs terrasses, à la maison.
Éviter ceux et celles qui jugent leur entourage qui se sent en mesure de se lancer dans mille activités. Se sentir jugée par eux et elles par moments, parce que j’ai fait quelques sorties et que je m’en sens capable, moi aussi.
Voir se déployer des activités de fin d’année pour faire sourire les élèves et les féliciter de leur résilience par les extraordinaires équipes-écoles et comités de parents qui déplacent monts et marées pour y arriver. Avouer que, même si par bouts, je les ai trouvés intenses et un peu gossants, je les remercie d’avoir mis une étincelle dans les yeux de mon gars un après-midi de juin et que je leur souhaite un bal.
Chercher la paix, la douceur et la tranquillité dans tout ce bruit. Essayer de garder cet enthousiasme, cette joie des premières fois, sans penser aux contrecoups, quand tout est possible et réalisable, comme un enfant à l’été de ses 11 ans.
Vous souhaiter la même chose, dans le respect des autres et la bienveillance.
J.