Un jour, quelqu’un a dit: tu vas finir par la tuer à trop l’aimer. Tu vas l’étouffer et elle n’arrivera plus à respirer. Pas la meilleure chose à dire à une enfant angoissée qui est déjà persuadée qu’elle est malade par sa faute. Qui croit qu’une d’elles va mourir chaque fois qu’elles sont séparées. Une relation un peu trop fusionnelle. Comme si l’une venait de l’autre. Mais au fond, leur survie dépend réellement l’une de l’autre.
Une enfant qui se croit responsable d’une adulte. Qui la surveille, la réprimande. Une adulte qui n’arrive pas à transmettre sa souplesse à une enfant. Sa légèreté à une enfant beaucoup trop grave. Une enfance remplie d’amour lorsqu’elle est là, mais pleine d’inquiétudes lorsqu’elle disparaît. Un pilier vital qui n’a pas envie d’en être un. Une trop lourde charge pour elle. Espérer une enfant plus libre, moins dépendante.
Une enfant avec qui elle développe tout de même un lien viscéral. Une connexion que très peu peuvent comprendre. Que certains trouvent abusive. Mais pas elles. Elles se complaisent, se complètent, se suffisent. Elles et personne d’autre. Même lorsqu’il part. Elles seules, ensemble jusqu’au bout. Elles n’ont besoin de personne tant qu’elles s’ont. Tant qu’elles sont. Grandir, vieillir ensemble. Apprendre, se tromper, recommencer. Se relever plus forte. C’est ce qu’elle lui a montré. Montrer que c’est correct de s’écrouler, mais jamais d’abandonner. Lui transmettre le plus d’outils possible pour le futur. Et de l’amour à l’infini. Même si ça étouffe.
Se piler sur le cœur et laisser l’enfant s’envoler, s’éloigner pour mieux revenir. C’est ce qu’elle a fait. Sachant qu’elle reviendrait. Qu’un lien si fort ne s’efface pas avec le temps, avec la vie. Un filet de sécurité toujours présent pour rattraper l’enfant devenue grande. C’est ce qu’elle a été. Une vie durant, elle s’est consacrée à cette transformation, d’une enfant angoissée à une adulte un peu mieux dans peau. Atteindre l’équilibre entre elles. Pour elle.
Développer une nouvelle relation ou plutôt lui donner une nouvelle tournure. Moins de dépendance, plus de coexistence. De support mutuel. Elle, toujours à la protéger, la préserver du mal. L’enfant-adulte toujours à avoir secrètement besoin d’elle. De son approbation, de son admiration. Instinctivement revenir vers elle lorsque ça brasse trop. Lorsque tout devient flou. Elle, à l’accueillir avec compassion et sagesse. Calmer ses tempêtes. Lui apprendre l’auto-suffisance, l’indépendance. Lui transmettre sa sérénité.
Depuis longtemps, elles savent. Elles en parlent. Elles le préparent, si être prête à une telle chose se peut. Elles savent qu’elles devront faire ce chemin séparément. Chacune laissée à elle-même avec comme seul bagage les apprentissages de l’autre. Une vie entière de souvenir et d’amour pour une et une vie changée à jamais pour l’autre. Un départ redouté, mais une grande étape pour elles. La dernière de leur relation fusionnelle.
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