Elles sont cinq. Comme les cinq doigts qui sont rattachés à la paume de ma main. Toutes différentes, mais uniquement liées. Une histoire ordinaire d’amitié qui est devenue extraordinaire. Une amitié qui a germé il y a plus de quatre décennies. Un entre-croisé de gens et de moments qui ont tissé toute une courtepointe.
L’histoire débute par des parents amis qui ont entretenu des liens à travers leurs enfants. Pour les besoin de la cause, je vais leur donner des prénoms fictifs. Parce que les nommer pourrait vous permettre de les personnifier, à votre vie, à vos amitiés. Pour le but de l’exercice, mettons que les deux premières se nomment Stéphanie et Julie (prénoms en vogue à l’époque de notre naissance). C’est à cette même période que j’ai connu ces deux filles. Nous avons passé une partie de notre enfance et de notre adolescence à se côtoyer par l’entremise de nos parents, de nos activités. Puis, nous nous sommes un peu perdues de vue; départ pour les études et nos vies de jeunes femmes.
À peine entrées dans l’âge adulte, Julie et moi avons épousé des cousins (ben oui, le mariage était encore hot, dans ces temps). Drôle de coïncidence, le mari de la première avait une sœur qui était la cousine du mien. Celle-là, on va l’appeler Brigitte. Brigitte est donc entrée dans ma vie presque 20 ans après les deux premières.
Parfois, certains choix viennent resserrer des liens qui s’étaient distendus avec le temps… Julie, Stéphanie et moi-même avons choisi un travail connexe dans le domaine de l’éducation. C’est à ce moment que la 4e a fait son entrée. Ici, ça sera Sonia. Voilà, le groupe était presque complet. La dernière à faire son entrée dans notre club sélect, là ça sera Annie, est entrée par le biais de nos propres enfants qui étaient amis.
Quarante ans, plus ou moins, ça fait de longues amitiés. Quarante ans c’est une vie, des vies. On a tout vécu ensemble. On a vu naître et grandir chacun de nos enfants. En fait, ils sont devenus les tiens, les miens, les nôtres. On a aussi vu une dernière fois les proches de chacune d’entre-nous. On a célébré des tonnes d’anniversaires et encore plus d’occasions diverses. On a levé nos verres à la santé de, ou tout simplement pour le plaisir d’être ensemble. Nos voitures ont été très souvent les seules témoins de nos conversations secrètes. On a chanté à tue-tête dans les spectacles ou chantonné pour endormir le petit dernier. On a pleuré les peines d’amour de chacune, comme si c’était les nôtres. On a ri des niaiseries des autres comme des nôtres. On a voyagé ensemble, on a pris des vacances en groupe, on a végété sur la plage pendant que les petits couraient partout.
On a été l’épaule, l’oreille, les bras, les jambes de toutes. On a affronté la maladie ensemble, les divorces, les déménagements. On a accueilli les nouveaux conjoints à bras ouverts, les yeux fermés pour certains…
De la première rencontre, en passant par nos 9 enfants, nos conjoints qui ont tous changé (ben oui, nouvelle ère fait que…) ou encore pour des adieux déchirants, toujours, nous avons été présentes dans nos vies.
Peu de gens peuvent se vanter d’avoir une Stéphanie, une Julie, une Brigitte, une Sonia ou une Annie aussi fidèles. Moi, j’ai cette chance. En fait, c’est pas une chance, c’est le trésor d’une vie. Des amitiés sincères, durables et compréhensives comme celles-là sont rares. D’où le fait qu’elle sont si précieuses.
Alors, à vous Stéphanie, Julie, Brigitte, Sonia, Annie, je vous demande pardon d’avoir perdu de vue trop longtemps vos vies. Je me suis laissée emporter par une vie qui ne me ressemblait pas et elle a pris toute la place. J’ai mis trop souvent de coté nos moments précieux pour m’étourdir le cœur. Malgré tout, vous êtes restées mes amies. J’ai été une piètre amie et je vous demande de ne pas m’en vouloir.
À vous, Annie, Sonia, Brigitte, Julie et Stéphanie, merci. Merci d’être ces femmes qui m’ont permis de vivre une expérience unique. L’expérience d’une vie qui s’appelle l’amitié. Merci, d’avoir accepté de m’attendre pendant que je m’emmurais dans une vie qui n’avait aucun sens. Merci, de me l’avoir dit. Merci de ne pas m’avoir jugée. Merci de me redonner une place dans notre club sélect.
Merci à vous 5, mes cinq doigts, si différentes, mais tellement uniques. Merci à votre amour, à vos conseils, à vos idées, à vos rires, vos peines, vos sacrifices. Merci à tout ce que vous êtes. Parce ce que ce que vous êtes, a fait de moi une partie de celle que je suis. Parce que j’ai bien compris que l’amitié est la fratrie qu’on choisit. Vous êtes les sœurs que je n’ai pas eues, mes âmes-sœurs. Mes amies, à la vie à la mort. De chacune de nos vies, nous avons tissé des liens solides. De toutes nos étoffes, nos couleurs, est née une magnifique courtepointe. Une couverture confortable, chaude, rassurante et unique. La doudou d’une vie, cousue à 12 mains, qui a donné une magnifique amitié pour nous envelopper.
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M.-C.
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