Maman, papa, les réseaux sociaux, je suis bisexuelle. Bon voilà, c’est dit. Est-ce que je me sens libérée? Je ne sais pas. Je ne me sentais pas vraiment prisonnière de quoi que ce soit de toute façon. Est-ce qu’en 2020, on ressent encore le besoin de faire un coming out? J’imagine que ça dépend des gens. Personnellement ce n’est pas vraiment un besoin. Plus un questionnement.
Est-ce que je dois faire un «statement» avec cette information? Information qui intéresse qui, d’ailleurs? Mais si je ne le dis pas, est-ce que je mens aux autres, à moi-même? Est-ce que ça veut dire que je ne m’assume pas? Je suis loin d’avoir honte de ce que je suis. Je ne suis pas gênée de dire que je trouve ça magnifique une femme. Mais que je trouve aussi les hommes très désirables.
Mais je ne le fais pas. Du moins, pas publiquement. Certaines personnes de mon entourage savent. Parce qu’elles étaient là, au bon endroit, au bon moment et que je le sentais bien. D’autres ne le savent pas, parce que je ne l’ai pas trouvé le bon moment ou l’occasion ne s’est simplement pas présentée (c’est pour ça qu’aujourd’hui je la crée). Ils ne le savent pas, parce que j’ai peut-être un peu peur de me faire répondre: «Ouin, pis?» en annonçant à quelqu’un que je suis aux deux. Et de me rendre compte que je suis donc arriérée de penser que ça fait un pli à qui que ce soit de savoir avec qui j’aime frencher. Est-ce que j’ai peur de leur jugement? Je mentirais en disant que non. J’ai surtout peur que leur attitude change à mon égard, mais j’ose croire que j’ai bien choisi mon monde et qu’il y a peu de chances qu’une personne fermée d’esprit se retrouve dans mon cercle.
Le 11 octobre prochain sera la journée internationale du coming out. Dans les pays où on ne vous lapide pas selon vos préférences sexuelles, en tout cas. Et ça m’a amenée à me questionner sur moi-même. Est-ce que je dois en faire un? On dirait bien que oui, d’ailleurs je viens de le faire. Qu’est-ce que ça va changer à ma vie? Rien, j’espère. Je crois sincèrement que mon quotidien ne sera pas impacté par cette déclaration «choc».
Parce que j’ai la chance d’être entourée de gens intelligents et respectueux. Parce que je suis née dans le bon pays et à la bonne époque. Et c’est pour ça que j’ai décidé d’en parler. Parce que j’ai le privilège de pouvoir être qui je veux, d’être qui je suis et d’en être fière. Parce qu’il y a encore trop de gens victimes d’homophobie, trop de personnes qui n’osent pas vivre librement. Trop de pays où l’homosexualité est criminalisée. Trop d’endroits sur Terre où on ne peut pas s’aimer en paix.
Mon coming out ne changera rien à ma vie. Je n’en voyais même pas l’utilité à la base. Mais s’il a ouvert les yeux ou le cœur de quelqu’un, s’il a changé quelque chose à ta vie, alors c’est toujours ça de gagné.
P.S. Je ne pense pas que tu mens à qui que ce soit en ne faisant pas de coming out. Ce sont tes affaires. Mais si tu as envie d’en faire un, c’est aussi de tes affaires. On est dans un pays libre, profites-en!
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