Quand est-ce qu’on arrêt de rêver? Quand est-ce qu’on arrête d’y croire? Quand est-ce qu’on devient un adulte? Il est quand le moment où l’enfance nous quitte? Quand est-ce que nous échangeons nos crayons de couleur contre le stylo-bille?
Moi, j’y suis entrée à peine les études terminées. Je pense même que j’avais déjà un pied dans l’âge adulte bien avant. Une fois mes études terminées, je devenais maman une première fois, puis une seconde, et le restait allait suivre. Ainsi va la vie qui va. Tout va tellement vite. On se retourne et la vie, notre vie, s’est chargée de se remplir de contrats, d’obligations, de responsabiltés.
Puis un jour, la vie m’a permis de revenir à l’étape de choisir de quelle couleur j’allais colorier mes dessins. Je suis «tombée» malade. Oh! Bien sûr, j’avais encore des responsabilités, des obligations, mais je n’avais plus la «pression» du monde du travail. Pourtant, le travail, c’est souvent un moyen pour se définir, se présenter, amorcer les discussions, socialiser.
Pensez à combien de fois dans votre vie on vous a demandé: «Qu’est-ce que tu fais dans la vie?». Parce que ce que tu fais dans la vie définit bien trop souvent le genre de personne que tu es supposé être. Politiquement incorrect de juger les gens en fonction de leur travail, mais tellement humain de le faire.
Quoi répondre quand, ce que tu fais de ta vie, n’a pas de rôle socialement enviable? Je suis une invalide? Je suis malade? Je m’occupe de moi? Je ne travaille plus? Je suis à la retraite (à 38 ans!!)? Y’a pas de bonne réponse! Y en a pas de mauvaise… Mais quelque soit la réponse, ça te gruge la confiance en toi, l’orgueil et tous les autres petits bobos qui font mal quand tu réalises que tu ne fais plus parti de la game, de la gang!
Quand les tests neuropsychologiques ont sonné le glas de ma vie de travailleuse, j’ai baissé les bras. Selon les résultats, j’étais dorénavent incapable de travailler. À quoi bon se battre et se débattre? J’avais pas vraiment le choix. Mais pendant presque 10 ans, le monde du travail m’a manqué. Plus que manqué… c’était un deuil. Un deuil réél. Pour une fille de pojets, d’action, d’équipe, être à la maison 24 sur 24, 365 jours par année, c’est mortel!
Puis, en août dernier, j’ai réalisé que j’allais mieux. Mieux depuis des années. Pas de poussées, pas de nouvelles plaques, pas de canne, pas de chaise roulante, et même ma tête suivait le rythme des autres. Les siestes interminables étaient elles aussi du passé. Alors je me suis lancée dans un tout nouveau défi… retourner sur le marché du travail! Mon neurologue était d’accord, mon cœur et ma tête le voulaient tellement!
Alors, me revoilà aux portes de ce monde perdu. J’ai pas eu à chercher, un emploi s’est présenté à moi. Pis je savais que j’étais capable de le faire. Que je pourrais remplir le mandat. J’avais l’expérience un peu rouillée, mais je pense que c’est comme faire du bicycle, ça s’est pas perdu! Et vous savez quoi, j’y arrive.
Je suis aux anges. Je vole, je plane. Avec ce mandat, j’ai retrouvé une autre partie de mon essence. La Marie travailleuse! Pis ce qu’il y a de merveilleux avec le monde du travail, c’est que ça stimule aussi d’autres envies. Je me suis remise sur les rails, en contactant mes anciens partenaires de travail, j’ai effectué des recherches qui ont porté fruit. J’ai retrouvé le doigté sur mon clavier d’ordinateur et tellement, mais tellement de fierté.
C’est fou à quel point la sphère du travail change tout. En maladie, y’a pas d’horaire, le pyjama a pas d’heure pour se mettre ou s’enlever. Les t-shirts, les gros gilets de laine et les bas pas pareils sont toujours des vêtements corrects. Là, je me suis retrouvée avec une envie d’être présentable, même si je fais du télétravail. À moi, la nouvelle garde-robe… À moi, des chemisiers, des petis hauts et autres bonheurs en guenilles… À moi, les beaux stylos de couleurs… À moi, les carnets dignes de ce nom…
Ha! Ça peut sûrement vous sembler cucul… à la limite du superficiel. Mais si vous saviez combien de fois j’en ai révé pendant ces dix dernières années. Je parle pas de vêtements couteux nécessairement, juste beaux. Je ne parle pas de crayons hors de prix, juste ceux qui donnent un punch aux écrits.
Voilà, je suis de retour dans la cour des grands. Et vous savez quoi? Je suis heureuse d’y jouer à nouveau. Je suis heureuse de réaliser que j’ai encore cette possibilité. Que cette fois, j’ai carte blanche pour me lancer. Parce que je m’en sens capable et parce que plein de gens autour de moi ont cru en moi et mon désir un peu fou de remettre les pieds dans ce monde parfois trop dur pour plusieurs. MOI!! MOI!! Je vais travailler, c’est merveilleux, non? Si vous pouviez me voir présentement, vous verriez à quel point le travail me va bien!
M.-C.