Je suis une personne sensible. Dans le genre, hypersensible.
Je suis une éponge de sentiments – bons comme mauvais, un baromètre de malaise, un siphon de tristesse et de colère. Je suis celle qui a les larmes qui coulent en lisant un fait divers dans le journal, un avis de décès bien tourné, celle qui devient toute croche à la remise de médaille aux Olympiques, qui a le menton tremblant au départ et à l’arrivée d’une course, qui a eu les yeux humides à chaque spectacle de flûte de son enfant, à chaque carte de fête des Mères.
Je m’émeus dans une manifestation, devant un discours de remerciement, même un soir d’élection.
Je suis celle qui sens la tension entre deux personnes, qui ne se sens pas bien quand il y a des cris, qui suis incapable d’assister à une scène de bagarre sans avoir les jambes qui tremblent. Je suis ébranlée facilement par des événements comme ceux de Québec et de son tueur fou qui est d’une tristesse sans nom. Je suis encore plus bouleversée de savoir qu’il vient de mon petit patelin, même si ça ne veut rien dire. Pas parce que j’ai peur, parce que ça se peut, c’est tout. Parce que ça matérialise son existence. Parce ses proches doivent être cassés en deux à l’heure où on se parle.
Les livres, les émissions de télé, les publicités, les nouvelles les plus tristes ou les plus belles, les hommages dans les galas ont souvent raison de moi. Dès qu’une scène devient triste à la télé, aussi cul-cul soit-elle, mon chum et mon fils se retournent et me regardent pour me taquiner. La grande majorité du temps, je pleure, parfois même avec des sanglots.
Je suis déçue quand je rate un coucher de soleil de feu et je sors le plus près possible pour en profiter. Je m’émeus devant les paysages, les odeurs, les gens comme le vide.
Les chansons, les musiques, les toiles et les photographies me bouleversent souvent. J’ai été tant de fois chamboulée au musée, devant les grandes toiles de Riopelle, à l’exposition virtuelle de Van Gogh… La toute belle exposition sur Cohen me berce encore quand j’écoute sa musique, quelques années plus tard.
Je pleure instantanément devant un ami qui me confie sa peine, même s’il ne pleure pas encore lui-même. Je suis une vraie mater dolorosa dans les funérailles également, pareil que lors des naissances ou des mariages.
La candidate parfaite pour m’émouvoir devant les vidéos de sauvetages d’animaux qui passent sur les réseaux sociaux.
J’ai longtemps cherché à cacher cette sensibilité, pensant pouvoir l’utiliser comme une arme au moment opportun, avec de l’autocontrôle très rationnel, dans ma tête. C’était une erreur monumentale de penser que j’y arriverais, comme je suis un livre ouvert et que, de toute façon, ma carapace n’est pas tant étanche.
Le mauvais côté de cette sensibilité refoulée est aussi le fait qu’un croisement de bras, un sourcil qui se lève, un soupir, un silence peuvent me causer de l’insomnie et que je peux arriver à imaginer les pires scénarios qui trop souvent n’existent même pas. Des ruminations, de l’anticipation inutile.
Dans ma nouvelle réalité, j’essaie de laisser venir, quitte à laisser couler les larmes plus souvent. La magie de cette façon de vivre est que j’ai découvert que je riais davantage, que je m’émouvais autrement, et parfois sans larmes. Ça me fait passer à travers le confinement et les restrictions sanitaires actuelles avec calme et philosophie, en y voyant plus de bons que de mauvais côtés.
Ça me campe dans le moment présent. Oh, que je n’aurais jamais pensé écrire ça pour être lue un jour, moi!
J’essaie d’utiliser cette sensibilité pour mieux me connaître, découvrir les gens autour de moi, laisser venir les nouvelles opportunités.
Je ne me suis jamais sentie aussi entourée qu’en ne voyant que si peu de personnes, dont la plupart derrière un écran, parce mes liens sont différents et que je suis moins dans ma tête.
Je vais continuer d’être sensible, dans le sens de l’ouverture à l’autre, dans le sens de l’écoute.
Je vous souhaite tous la même chose.
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J.