J’écris sous impulsion. Ne me parlez pas d’inspiration. J’écris quand ça brûle, quand ça déborde. Quand il n’y a plus de place en-dedans, je vomis tout sur une feuille. Je fais le vide pour mieux m’emplir à nouveau. Je suis boulimique des mots. Je ne choisis pas ce qui sort, ça s’impose à moi. Ça arrive et c’est tout. Je ne peux me battre contre, c’est trop douloureux. Je me laisse guider par l’amour, la colère, l’envie. Le bonheur, la détresse. Je ne crée rien, je me purge.
On félicite souvent les combattants d’avoir choisi le ring au lieu de la rue. On devrait aussi remercier les écrivains d’avoir choisi la plume au lieu de la seringue, de la corde. J’écris au lieu de fesser dans les murs, dans les gens. J’écris pour vivre au lieu de mourir. J’écris ce que je crierais si j’en avais l’audace. Mais c’est tellement plus facile de se cacher derrière un texte. D’invoquer la fiction pour évacuer nos envies de meurtres, nos besoins de peau. De décrire des relations, des schémas, des pensées tordues en les attribuant à des «personnages». De se mettre dans la peau d’une autre pour réparer les gaffes du passé. Changer, réécrire tout ce qui ne s’est pas déroulé comme prévu. Mettre en scène des assassinats sauvages pour dire «je suis fâchée». Inventer les plus belles retrouvailles amoureuses pour dire «je m’excuse, je regrette». Mais toujours rester dans l’ombre de ses histoires.
J’écris pour parler de moi. J’écris par égoïsme, avec égocentrisme. Tout part de moi. De ma vie, de mes émotions, de ma petite personne. J’écris pour me complaire. Parce que je me trouve belle dans ce que j’écris. Parce que je m’aime quand je laisse parler mon dedans. Même si je le fais à demi-mots. À demi volontaire.
Je ne sais pas si ça prend du courage pour se dénuder ainsi ou s’il faut seulement manquer de couilles pour être incapable de se mettre à nu dans la vraie vie. J’écris surtout pour me libérer. Pour ne pas me noyer dans le raz-de-marée qui sévit dans ma tête. Toutes ces pensées qui restent prises et rebondissent en écho dans mon raisonnement irrationnel. Il faut les laisser sortir. Sans jugements. Pour arriver à respirer plus librement. J’écris parce que quand je me lis, je trouve que je fais bien du sens finalement. Que je ne suis peut-être pas si brisée que ça, en fin de compte.
J’écris parce que ça fait mal. Mais le mal qui fait du bien. C’est mon automutilation d’adulte. Je me réfugie derrière mon papier, parce que la moi qui écrit a beaucoup plus de cran que la vraie moi. Elle, elle se camoufle dans les mots de l’autre. Elle ne dit pas ce qu’elle pense et elle a peur de tout, de tout le monde. Peur de déplaire, peur d’être aimée. J’écris dans l’espoir que ces deux-là ne deviennent qu’une. Forte, fière et assumée
A.
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