Suite à mon congé cet hiver, j’ai connu un retour au travail qui n’a pas été très heureux. Tout m’était inconfortable. J’ai fait quelques démarches de recherche d’emploi, mal assurée. Après quelques semaines, coup de théâtre: j’ai vécu un grand chamboulement qui est arrivé dans ma vie comme un cadeau inespéré, même s’il a eu l’effet d’un seau d’eau glacée sur le coup.
Mon poste a été aboli. Mais on fait comment quand on a occupé un emploi dans le même milieu depuis si longtemps, qu’on ne se souvient plus avoir fait autre chose?
Mon instinct me disait pourtant que j’avais fait le tour, pour vrai. À part mon orgueil meurtri et mon égo froissé, tout se dessinait comme étant une heureuse rédemption, l’occasion rêvée de faire carrément autre chose.
Depuis mon congé, je me refusais de croire les phrases toutes faites que j’ai lues, comme quoi après un burn-out on peut changer sa vie complètement. Je trouvais ça trop ésotérique et vraiment cliché. Pourtant, il ne s’agissait que d’aligner les faits ensemble, de défaire les bons nœuds et de raccorder ce qui était brisé.
Et pourtant.
J’ai décidé de prendre le temps d’analyser mes options, puisque j’en avais les moyens. J’ai sondé autour de moi, dans mon réseau. Des connaissances, d’anciens collègues aujourd’hui ailleurs dans leurs vies professionnelles. Un heureux hasard qui m’a mise sur la route de ma nouvelle équipe de travail.
Soudain, j’ai eu le choix. À partir de ce moment, j’ai choisi la suite en n’ayant à peu près aucune attente.
Puis, peu après est arrivée la COVID. Exit les certitudes pour toute la planète, sauf pour moi: j’ai amorcé mon nouvel emploi en plein contexte de pandémie, un 1er avril. Un univers totalement différent: rencontrer son équipe à travers un déjeuner virtuel, apprendre à effectuer mes tâches toutes récentes à distance. Déstabilisant, mais surtout grisant défi pour moi, qui aspirait à faire complètement autre chose. La joie d’utiliser mon intuition parce que je n’ai pas de repères, le bonheur de me faire confiance et de constater que j’ai du métier, du vécu et que ça peut me servir.
Dans ce contexte, tout est inédit et demande une approche différente. L’aspect tout neuf du travail, de l’école à la maison, de la situation de mon conjoint qui a bossé 7 jours sur 7, tant dans son travail dans un organisme communautaire que comme entrepreneur, de la vie qui va vite dans notre cocon confiné. On s’est vite développé des habitudes, des petites joies au quotidien qui, j’en ai bien l’intention, vont rester.
Tout est devenu assourdissant, sans repères, sans filtres. Une fois qu’on a trouvé comment avancer, tout se normalise pour le mieux comme pour le pire.
Tandis que certaines personnes de mon entourage en arrachaient, je vivais un renouveau, une espèce de bonheur presque indécent à nommer quand un ami perd son travail, lorsqu’un autre gruge ses économies, alors qu’un proche se consume d’anxiété et de stress de se trouver devant rien.
J’ai entretenu ce petit bonheur discrètement, par pudeur et aussi parce que des matins, j’avais peur un peu d’y croire pour vrai, par crainte que ça soit éphémère… encore.
J’ai tellement souhaité plaire dans ma vie professionnelle, j’ai tant voulu qu’on m’apprécie, qu’on me valorise. J’ai beaucoup souffert du symptôme de l’imposteur. J’étais souvent dans la performance, dans l’anticipation du bon coup, dans ma tête… Rarement dans mon cœur, dans le fichu moment présent. Je cherchais toujours mon X. Là, je l’ai choisi et je sais qu’il est mobile, qu’il ne me définit pas nécessairement.
Les gens ont un peu marre de cette image d’arc-en-ciel, de la proverbiale phrase «ça va bien aller». De mon côté, ça illustre parfaitement ma traversée, mon chemin post burn-out. Au bout du tunnel, il y a toujours de la lumière, toujours de l’air neuf qu’il fait bon respirer.
Plusieurs personnes m’ont répété que ça irait mieux et ils avaient raison. Après la pluie, le beau temps. Toujours.
Et parfois même, un arc-en-ciel!
À lire : Le jour où j’ai fait un burn-out
J.
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