Assise à mon bureau, y’a un dude qui me regarde et je lui fais mon air de char d’assaut. Ça m’irrite, ça me fâche presque. Y’a une game que je ne connais pas et qui ne m’intéresse aucunement. «T’as-tu un chum?» qu’on me demande parfois. Nope. «T’inquiète pas, tu vas trouver». Quelle horreur, tout sauf ça!
«Je m’en vais rejoindre mon chum.»
«Ma blonde fait ça dans la vie.»
«On vient de s’acheter un condo.»
«On vient de tomber enceinte.»
«On part en vacances la semaine prochaine.»
«Mon conjoint vient de recevoir une promotion, ma femme a terminé son doctorat alors je te comprends.»
Tout ça, ça me dépasse au point que ça m’écœure. Je trouve ça profondément répugnant, de s’aliéner volontairement, pour ce qui ne me semble que la peur d’être seul. L’amour, ça me fait rire. Les couples me font pleurer.
De toute façon, ce n’est pas de l’amour. L’amour fait mal, l’amour ne construit rien, au contraire, ça ravage tout. L’amour, c’est la politique de la terre brulée; ça t’affame, te prend tout. N’allez jamais fonder votre foyer là-dessus, n’y élevez pas vos enfants. Surtout, c’est volatile, ça passe d’une terre à une autre, s’accapare un pays, puis l’autre, ça anéantit toutes les armées, y’a pas de bons ou de méchants. L’amour est la force la plus destructrice qui soit. Faut être franchement con pour aimer.
Je pense que c’est sur ce blogue-ci que je lisais, il y a quelques mois, le billet d’une fille qui après quelque chose comme un an de célibat, se disait célibataire endurcie. La fille, elle cherchait toujours. Elle en voulait une, relation. Et presque immanquablement, chaque fois que je vois un jeune dans la vingtaine se dire «célibataire endurci», ce que ça veut dire, c’est que c’est un célibataire malheureux. C’est quelqu’un qui se cherche avidement un partenaire, qui envie les couples autour de lui, qui trouve ça injuste, presque. Et moi, je ris dans ma barbe.
Les célibataires endurcis que j’ai rencontrés, ils ont généralement 50 ans passés et vivent seuls depuis au moins 20 ans. Je ne sais pas ce qu’ils pensent, ce qu’ils veulent, parce qu’ils n’en parlent plus, des relations. Ils n’expriment plus aucun désir et changer leur habitus serait désormais une tâche sinon impossible, du moins incongrue. Pourquoi changer?
Moi? Je ne vois pas l’attrait. Partager mon indépendance, perdre mon espace, mon autonomie, devoir échanger, raconter, me compromettre. Avoir du sexe à jeun. Respirer l’odeur d’une autre personne, avoir sa sueur dans mes draps. Vivre ma routine du matin avec quelqu’un qui existe à côté de moi. Me coucher plus tard que je ne le voudrais. Avoir de nouvelles obligations, devoir visiter sa famille, ses amis, alors que mon énergie est une ressource rare. Me justifier, constamment, expliquer pourquoi je fais ceci ou cela, pourquoi je veux ceci ou ne veux pas cela. Trop de verbiage, trop de discussion. De la fatigue. Une invasion totale. Je ne comprends pas pourquoi quiconque irait s’imposer ça.
Si bien que le dude qui innocemment me regarde, me demande comment ça va ou essaie de m’offrir un café, provoque chez moi une réaction similaire. Je me sens envahie, obligée de communiquer quelque chose, un refus, une justification, de reconnaître son existence alors que je me sens bien ancrée dans ma routine, dans mon univers bien réglé et qui n’a pas de place pour lui. Quand des collègues essaient de me parler, ça m’irrite. Alors vous imaginez bien combien je suis le fun dans les 5 à 7, quand vient le temps d’échanger des menus propos. The life of the party, ça c’est sûr.
Lire aussi :
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 1 – METTRE LE PIED À TERRE
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 2 – FAIRE LE CAFÉ
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 3 – LIRE LE JOURNAL
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 4 – PRENDRE SA DOUCHE
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 5 – À SON GRILLE-PAIN!
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION -CHAPITRE 6 – METTRE SON MANTEAU
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 7 – FRANCHIR LE CADRE DE PORTE
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 8 – UN PIED DEVANT L’AUTRE
VIVRE AVEC LA… MALADIE DE CROHN – CHAPITRE 9 – CÉDER SON SIÈGE
VIVRE AVEC LA DÉPRESSION – CHAPITRE 10 – AU BOULOT SISYPHE!
Vivre avec la dépression – Chapitre 11 – La pause-café
LdT.
Source photo: Unsplash
Pour vrai je trouve ton texte vraiment triste et c’est pas ma vision de l’amour… On dirait presque que tu vomis sur l’amour et j’aime vraiment pas ce que je lis ce matin… C’est dommage pour toi mais l’amour c’est vrm ce qui pousse les gens a se dépasser et devenir des meilleures personnes… Je te souhaite de rouvrir davantage ça te rendrait sûrment plus heureuse dans la vie en général!!!!
En effet, ce texte est un chapitre de notre série sur la dépression, donc on doit y lire « vision de l’amour d’une personne souffrant de dépression ». Malgré sa maladie, Laurence a réussi à nous transmettre sa vision avec un brin d’humour. Mais merci pour ton commentaire, nous le transmettrons à l’auteure! Continue de nous lire, des textes plus positifs s’en viennent! 😊